mercredi, avril 11, 2007

J'ai renoncé à vous séduire

Je prends tout au premier degré, c'est plombant. C'est peut-être pour rire, j'en sais rien. Ou séduction, encore, séduction, toujours.
Tout va très bien quand la relation atteint sa réalisation, qu'elle se consume d'elle-même, qu'elle se boucle. Quand c'est pas le cas ça me fait souffrir et je sais pas trop ce qu'il me faut pour passer au-delà.
C'est la deuxième fois que ça arrive, la première j'avais fini par plus ou moins la haïr, surtout à travers un mec avec qui elle risquait de sortir, mais c'est vrai que son appareil dentaire, ses soquettes, sa bible en table de chevet et ses copines qui m'insultaient en créole pour que je ne comprenne pas avaient un peu aidé. Avec le mec, un petit garçon toujours bien habillé, même pour aller regarder la lune au télescope dans une prairie boueuse, un blond bien peigné tête à claque à l'air con, je m'étais même battu. Dans la prairie, comme ça, même qu'après l'anim il n'avait pas aimé, on était rentré sans voir la lune. Bizarre en plus, une sorte de jalousie irrépressible alors que je ne l'aimais plus. Une relation de colo, ça c'était l'année d'après qu'on se soit connu. J'avais onze ans, elle avait été ma première copine en contexte social, l'année d'avant on avait décidé de ne pas s'embrasser sur la bouche et à la boom, les fils de pute d'anims, dont celle en tête que j'avais traité de salope, même si le compliment était collectif et énervé, s'étaient foutu de notre gueule.
Je ne sais pas, peut-être le même schéma ? Alors que dans les autres cas je suis resté très ami avec elles, sauf celles que je n'ai plus jamais revues ou presque, forcément.
Non mais quand je n'y pense pas ça va très bien, mais quand j'y pense ça fait comme une grande béance, un inachèvement total et irratrapable. Y'en a qui ont l'habitude, je suppose. Vous me direz, c'était mal parti, aussi, et on est resté prisonniers, mais bon. J'ai horreur des trucs laissés comme ça, inachevés. On va dire que je n'aime pas l'échec.
Même pas l'échec, en fait. Des trucs qui auraient pu être mieux et qui ne l'ont pas été, sentiment d'avoir été vraiment très nul, mais que c'est terminé, que je peux pas rattraper, et ça me hante des années. Il y a par exemple des trucs qui me hantent depuis que j'ai douze ans.
Un échec au moins c'est claire, c'est une limite. Là c'est même pas un échec, c'est comme quelque chose qui n'est pas terminé, prématuré on va dire. ça se rapprocherait plus du sentiment d'injustice que de l'échec, mais d'une injustice que je ne devrais qu'à moi- même (enfin, c'est vite, très vite dit...).
Très vite dit parce que c'est une interaction, n'est-ce pas. ça ne peut pas venir que d'un seul côté sauf que les choses je ne peux les régler que tout seul. Culpabiliser m'aidera pas, mais c'est pas vraiment de la culpabilisation. C'en est si je reste sur le passé, mais si je regarde devant c'est plus une douleur qui peut m'aider à pas refaire les mêmes erreurs, à pas me laisser avoir là où je me suis laissé avoir. Pour l'instant j'arrive à regarder devant seulement quand je pense pas à elle, qu'elle est pas dans le coin. Et heureusement quelqu'un arrive à me la faire oublier.
Et si on avait un autre mode de relation aussi ça pourrait aider, je sais pas. Ou peut-être, la voir régulièrement pourrait me faire penser qu'en fait, je pourrais finir ce que je considère comme pas achevé. Sûrement, même (normal, les français ne savent pas faire sans désir, dans leurs relations, sinon ils restent dans leur coin et dépriment, ou rentrent dans le formalisme, celui des cadres dynamiques comme celui des lyriques de la révolution).
La relation partait en eau de boudin, c'est sûr, mais ça dépend pas que d'une personne. Elle a décidé de jeter l'eau et je reste avec la bassine. On va dire que ça fait sens. ça fait très je m'amuse en dilettante, et quand ça m'amuse plus, je casse le jouet, je l'envoie se faire voir. Enfin, je le pense pas vraiment comme ça mais je sais pas trop le dire.
Le jeu qui me plairait (elle qui parle constamment de jeu), en fait c'est tout l'inverse. ça fait très frivole, ça fait très tu considères les autres comme des objets. Un objet, il n'a pas de réponse possible, il n'a pas de volonté propre, d'existence, d'âme, etc. Un objet ou un programme télé, par exemple.
(Peut-être n'a-t-elle pas su réagir autrement sans vouloir à tout prix me déshumaniser.) C'est sans doute avec elle-même qu'il y a des "problèmes" (c'est pas ça du tout, hein, mais j'ai beau chercher, je trouve pas une autre formulation dans notre langage). Comme moi de mon côté. Elle est à la fois spectatrice, consommatrice, atrice, et elle semble s'en foutre royalement des autres. (C'est quand elle va mal qu'elle ne s'occupe plus des autres.) Des autres : du cadre, du dispositif, de la bulle qui contient les membres d'une interaction, dans lequel elle est avec eux. Elle semble vouloir garder une distance, toujours, qui signe un gage de liberté, de protection (mais de protection de liberté). Et en même temps, c'est pourtant ce qu'elle recherche... (c'est pour ça que j'ai des trucs à me reprocher).
Faire totalement abstraction des autres c'est quelque chose qu'elle sait faire, s'exposant et s'enfonçant dans sa solitude tout à la fois. Jeune, mais ça n'a pas vraiment changé. J'ai peut-être cru qu'elle pouvait dépasser sa naïveté et sa fausse fausse naïveté, je ne sais pas.
Vous voyez, quand c'est arraché trop tôt comme ça, le sens il est pas donné, et j'ai déjà passé énormément de temps à essayer d'en trouver un, mais sans y arriver ; je ne sais même pas si c'est possible d'en trouver un, peut-être qu'il y est ou n'y est pas, comme la plupart de mes autres relations le sens il était donné, parce que c'était bouclé, c'était clair.
Mon grand-père, un vieux que plus personne, parole d'un autre qu'on met un peu de temps à comprendre, et au charisme efficace qu'avec son autorité, non l'exemple qu'il nous montre, dirait qu'elle "s'écoute trop". Elle a d'innombrables qualités, mais ce problème qu'elle n'arrive pas à faire lien avec les autres, c'est pénible.
C'est peut-être ça qui m'a attiré, "inconsciemment" (ça devait être diffus parce que je ne vois vraiment pas d'où ça vient), moi-même ayant quelques problèmes de ce côté-là (c'est autiste qu'on m'appelait, surtout dans des milieux que je n'aimais pas).
Comme s'il fallait soir que ça tourne autour d'elle, soit de l'aute et elle est spectatrice, mais pas dans la relation. Elle pourrait devenir directrice de quelque chose, des personnes qui dirigent, comme ça, que leur relation avec les autres va toujours dans un sens ou dans l'autre mais pas dans les deux à la fois. Elle fait très culture branchouille, comme ça. Ils adorent les trucs qui marchent que dans un sens ; par exemple actif "ou" passif ; ça reconduit les vieux modèles... Où la domination et la distance sont toujours mises en relations avec son opposé supposé, comme une menace ("si c'est pas l'un c'est l'autre"), qui est la destruction, la perte de soi, la mort , la déprime totale.
Personnalité autoritaire, peut-être. C'est un truc que vous retrouvez dans tous les discours autoritaires, d'ailleurs... Et le pire, c'est qu'ils dépriment vraiment quand ils dominent pas les autres, c'est qu'ils ont vraiment peur quand ils dont pas dans la position du flic, etc. J'ai un côté comme ça, moi aussi, mais pas au même niveau je crois.
Et je trouve qu'elle a aussi un côté changement social, mais basé sur l'espoir, le désir d'accéder à, qui se traduit par quelque chose qu'on attribue aux "convertis", une sorte d'extrêmisme latent reposant sur des croyances et une peur d'être éjecté/pas intégré/ne pas sortir de là où l'on est, du milieu où l'on se trouve.
J'ai bien l'impression d'avoir rien compris (ou de ne pas arriver à donner du sens), mais elle le fait (l'a fait) exprès, aussi (ou y'avait pas le support à un sens possible). Je crois que j'aurais à lui reprocher de s'être engagée sans s'être engagée (tout vient aussi de moi, et je n'ai pas tenu les promesses implicites ; je ne tiens jamais mes promesses, surtout non contractualisées, et je préfère souvent ce que je n'ai pas).
Pour un peu je me rappellerais même pas le pourquoi de la fin. Plus de sentiments, sans doute, ça devait être quelque chose comme ça. Elle n'en avait plus et moi après je me suis dit que je faisais semblant d'en avoir. Tout est très clair, ainsi, vous me pourriez me dire, mais justement non, c'est tout le contraire.
Je ne cherche pas exactement ce qui nous a amenés là, je crois que j'aimerais arriver à trouver un sens global, qui puise me permettre de "classer l'affaire". Pas vraiment d'expliquer le développement, ça c'est secondaire mais fait partie de la globalité. ça rejoint le jeu que j'aimerais : on est en couple, mais y'a pas de sentiments ; chacun le sait, c'est comme ça, c'est une sorte de degré zéro, mais moins inhibant comme dans notre cas que libérateur. Inhibant parce qu'on était parti sur le modèle romantique, justement, avec les sentiments, voire le coup de foudre ; même si c'était pas le cas, c'était ça le modèle dans lequel on se plaçait. Et c'est à partir de ce degré zéro qu'il y aurait à construire. Seulement, pour nous, ça a surtout été un degré terminal.
Alors qu'en fait (je pense pas qu'elle me contredirait là-dessu, mais c'est pas un truc qu'elle oserait dire, peut-être, peut-être qu'elle penserait me blesser beaucoup trop) c'était comme ça dès le départ. On s'est laissé embarquer par un modèle socialement construit et intégré, des formes banales qui ne nous convenaient pas, et c'est là le problème. Y'avait malaise constant, d'ailleurs, signe que ça ne nous convenait pas, mais on n'arrivait pas à en sortir.
Et la seul fois (je dis ça de mémoire, c'était peut-être pas exactement ça, et il y a eu plus ou moins d'autres tentatives) où j'ai essayé de secouer un peu la machine, c'est grave parti en vrilles. Comme une peur du changement, autrement dit elle s'accroche (-ait) à ces formes, par sécurité, par peur, sans les vouloir ni vraiment les accepter, et encore moins, peut-être, les désirer. Jusqu'à ce qu'elle se l'avoue il y a du chemin, mais d'un autre côté elle aurait peut-être préféré un truc tout con : une relation pour la relation, un peu à la collégienne, en gros juste pour la parade et dire qu'elle est avec quelqu'un. Mais moi c'est pas ça du tout.
C'est deux pôles, en fait, qui étaient présents sans qu'on en rejoigne aucun : soit ça, soit al relation d'enfermement fusionnel. Et en plus, comme on ne voyait personne ensemble, qu'on ne sortait presque pas, mais qu'en même temps restant enfermés c'était comme si on ne l'était pas, ça ne pouvait pas aider (peut-être vu comme cause plutôt que conséquence, aussi).
On est complètement passé à côté de ce qu'on recherchait, ou de ce qu'on attendait, au choix, et comme je n'ai pas cessé de m'imaginer que c'était possible, c'est là où il y a malaise. Ce n'est pas vraiment que nous n'attendions pas les mêmes choses l'un de l'autre ; je pense qu'elle est suffisamment "instable", "molle" comme on le dit de quelqu'un qui n'est pas encore véritablement formé (que là on sait ce qu'on veut, ce qu'on aime et ce qu'on aime pas, on peut décider aisément, nous sommes clairs pour nous-mêmes et le monde l'est pour nous, nous sommes enfermés dans un nous-mêmes clair), pour que plusieurs choses soient possibles. Et l'une et l'autre en l'occurrence.
Mais si elle disait l'une plutôt que l'aute, ça l'aiderait à la former durement, durablement, déjà, dans un effet performatif. Elle se mettrait à choisir, à décider, et se ferait emporter par ses choix. ça ferait peut-être partie de sa "stratégie autoritaire". (Et moi aussi je ne suis pas tout à fait adulte.) Pas une autorité pour masquer une instabilité, quoique finalement si, mais d'abord : justement, pour en sortir ; à mon sens, pour refuser des possibilités qui sont là et qui (lui) font peur ou qui paraissent trop étranges (donc dans le milieu dans lequel elle vit) pour être acceptables, peut-être même simplement à sa conscience ; donc en même temps pour les biffer, pour les rendre impossibles ; peut-être comme une sorte de refoulement qui pour se perpétuer a besoin de toujours plus d'autoritarisme, je sais pas.
Elle veut même pas parler, de rien. Elle recherche peut-être la relation "où tu n'a pas besoin de parler" (qui ne la recherche pas ?). Elle se tient en dehors de la parole et des fois c'est pénible. Le sans-parole finit par se traduire par des jeux de séduction, seulement et c'est tout (c'est ça qu'elle entend par jeu, je crois, mais il me semble qu'il y a quelque chose de plus profond aussi). En même temps, les blocages où tu ne peux même pas parler, je connais ça, pour avoir été à cette place une fois, dans une autre relation. Ce que j'avais dit, alors, c'est qu'elle allait m'amener là où je n'avais pas envie d'aller. Elle était pas assez dans le fusionnel, à mon goût. Quand t'es inhibé, en même temps tu développes des désirs, des phantasmes, que l'action biffe. Et si t'es confronté à une action que tu ne désires pas, t'as trop peur en l'acceptant de les perdre. De te perdre.
J'ai sans doute voulu aller trop vite, je ne sais pas. ça avait commencé rapidement, en même temps, et j'ai sans doute trop l'habitude des relations courtes et intenses qui se consument dans ce temps. ça m'aide à évoluer, aussi.
Je dis le maximum de conneries, et encore je me retiens très sagement. C'est un continuum, les mots se décantent, ça laisse des traces, je fais du tri, etc. Jusqu'à ce que j'aie trouvé le sens et alors c'est bon. Quand j'ai écrit un texte pour mes études, par exemple, souvent je dois l'écrire et le réécrire, c'est super long, et chaque fois c'est pas la même chose, jusqu'à ce que j'arrive à ce que je veux (déterminé par la date butoir, aussi, le vouloir). Trop peur de laisser des bouts en chemin, des choses inachevées. Je préfère encore les traîner des années. ça devient des boulets, mais avec lesquels je peux composer, comme une matière première qui par là s'épuise. Peut-être d'ailleurs que j'en traîne un sans le savoir depuis bien plus longtemps.



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