Spleen (On boarding)
Triangulé au sein des productions culturelles, entre leur fond et leur forme, on en oublie de produire du sens et de se produire soi (et pas exactement de produire des productions culturelles). A ne pas pouvoir en sortir, croit-on, on se ‘‘construit’’ asservit dans des formes et des fonds donnés, un peu plus, un peu moins, on les oublie et ils nous pèsent, on ne parvient à oublier qu’ils nous pèsent. — Je passe mon temps à me plaindre.
BloodDiamonds. Encore un film qui repose sur les affects qu’il peut faire éprouver afin de faire passer un message, gravé dans des images stéréotypées et des sensations qui leur sont associées. C’est cela qu’on recherche, c’est cela qu’on éprouve, c’est cela même qui importe, n’est-ce pas, les affects, les affects comme indicateurs de la vie, et leur travail (c’est déjà autre chose) comme polissage de celle-ci. Mais il faut se prémunir en cas d’un tel travail, car les gros éclats heurtent et blessent à la moindre anicroche. Cette distance n’étant pas possible…
Internet toute la nuit précédente et toute la journée. Mort et sexe. Signifiants transparents, pièces trop épaisses pour ne pas rentrer dans le plateau de bois creusé. Accès direct aux choses, car la vitre est si propre. A se perdre — comment ? n’est-ce donc pas là que tout le monde va ?
Ne pas sortir, rien à faire. Pourquoi donc ? Pour qui, avec qui, qui ? Déjà hier, un immense territoire de monstres insensibles, à ne pas toujours parvenir à être le pire d’entre eux. Le visage le plus mort gagne un ticket retour, amor fati de la photographie, éternelle inexistence, les visages dans la rue et dans les catalogues. Et toujours à me plaindre. Des points d’interrogation et des regards méchants, mais la plupart sont vides. Vides comme le mien. Des miroirs en tous points. Je n’ai plus rien à faire ici, n’est-ce pas. Là où je n’ai rien fait (comment puis-je croire que je ferai ailleurs ? Je compte sur la foi du converti ? Probable, en bâtard sans foi qui n’a pas l’intention de se mélanger à ses semblables, dans le cloaque de l’ici).
Tous les week-ends c’est la même chose. Toujours. Parfois je fais semblant, mais toujours cette enclume sur la tête. Et ce corps dégueulasse qui finit par faire mal. Torché lorsqu’entré dans sa chambre, une angoisse euphorique, un mal de tête surtout, et puis plus rien.
[Des lignes sur le miroir en face de rien. Laissées, des traces, à un seul dans la pièce, pas un regard sur l’épaule pour voir la tête du suivant, clic-clac les portes s’ouvrent et se referment comme dans une vilaine banque, entrée sortie sont bien coordonnées. A la craie ou au clavier, vite. Au clavier on dirait. Et trace de quoi. Tout ce qui était dehors a-t-il été marqué. Là ce n’est pas terrible, sa vie, on dirait presque la mienne. S’il y a tout.]
[Moi je ne crains rien, les portes de ma pièce ne doivent pas fonctionner, et puis le miroir est brisé.]
Hier soir : « il n’y a que toi pour être là un samedi soir à dix heures et demie ». Sûr.
Tous les week-ends terminer par se dire : vivement que cette semaine soit mieux. Mais non, ce n’est jamais le cas. Tant de choses à faire encore, qui n’apparaissent que telles des actions à exécuter, où est donc l’intérêt. Tout horizon se coud sans même se mutiler, l’enclume est sur la tête. Dans la caverne il y a tant à voir, n’est-ce donc pas là que tout le monde se trouve ?
Toujours se remettre en chemin. Sur des chemins factices, illusions du moment. Ne pas partir à l’aveuglette, surtout, surtout pas à l’instinct. Et à partir de quoi d’abord ? Rester concentré dans son petit cadre, petite maison paradigmatique, refuge de pacotille, bulle spatiale pour espérer aller loin. Entre deux petits voyages mettre des parenthèses, mais ne rien écrire surtout entre elles car le refuge n’est pas scellé, il y a risque de fuite.
C’est agréable la grotte, caverne de pixels, de sons, d’images, un truc faussement culturel, une image ça suffit. Agréable l’enclume, très agréable. Abrutissement, avachissement. Pas évidents à porter les personnages de Gombrowicz. Ce n’est qu’une parenthèse, comme l’enfant de sortie barbote avec son râteau et son seau dans la boue avec des moulinets des bras et un rictus de gros débile, entre semaines d’école et des rêves dans sa chambre, le soir, comme seule compagnie.
Un rien qui m’impressionne. Un rien du tout. Mais tout de même, cette vidéo, je ne sais pas si c’est moi… Symboles faciles, c’est vrai, le chat, l’eau, la feuille, les couteaux par dizaines… Une grande sincérité, une croyance, là elle et le cosmos se résolvent en une petite gerbe d’images flux, c’est beau, c’est fragile et c’est beau, peu importe la qualité quand on n’a pas de goût. Il en faut peu, est-ce peu ?
Sortir de la grotte. Des portes comme dans une banque, appuyez sur le bouton, elle s’engouffre dans le mur sans un bruit, un pas, elle se referme, on est dans l’autre monde. Cavernes et portes de banques, ou où sont nos miroirs. C’est toujours la même chose, à peu de choses près, on finit par ne plus utiliser que toujours les mêmes outils. A en changer ou souvent ou devenir virtuose, sans doute.
J’ai même pas faim. L’horreur en bouche, en cœur et sur la peau. Ne pas vouloir plus qu’il n’est possible, quitte à ne pas suivre le moment venu. Et rien de violent.
Vivement le retour. L’ordinateur éteint et les yeux dans les livres.
Slow day en boucle en boucle en boucle, au pays des morts même pas zombis, entre le bateau de Van Gogh et un rêve mort, I wish to weep et Buk qui plane, mais sans son rythme. Sans violence. Un coup d’aiguille de trop, ou le temps qui tricote.
Des milliers de pages dans mon sac, et j’en ajoute quelques-unes à ce rafiot même pas saoul. Il m’est fortement déconseillé de sortir de ma bulle, la rencontre avec d’autres systèmes nerveux tout proches risque de provoquer des courts-circuits dramatiques. Garder pour soi, se retrancher, et monter le son du casque (comme si je n’aimais pas les crêpes, franchement ! c’est juste que je n’ai pas faim, et cette voix de vipère dévariée, écorchée comme un bœuf à l’origine du monde, soubrette cabotine qui ne reste pas courbée). Dans la rue le son du casque tient mon rapport au monde, je suis bien entre deux choses, et non pas seul à me retenir au mur en gerbes stomacales ou fasciné terreur et finir en vertiges si le trottoir ne décide de ma chute. (Imaginez une prof ceinte de ses paradigmes pour ses rapports au monde qui ne comprend pas le mp3…)
Un autre écrit : « On ne pourra faire totalement l’économie ou ‘‘le ménage du psy’’ tant celui-ci est devenu patrimonial, paradigmatique, outil de crédibilité, de séduction, de conflit, ou d’enfermement. En ce qui concerne la psychologie, son offensive est à considérer sous l’angle du marché et de l’accréditation de nouveaux spécialistes. En somme je pourrais dire avec le docteur Knock : « Tout bien portant est un malade qui s’ignore », et dresser les cartes d’état-major afin de suivre l’évolution de la maladie et des spécialistes » (Dufoulon, Femmes de paroles, Métailié, 1996, p. 142). Les entrepreneurs de morale… C’est la sociologie la science des outils, pas la psychologie ! ; par les représentations, même, si vous voulez.
Pour finir encore un mail d’un ami relayant le mouvement pro-débat sur le changement climatique (pensez bien à éteindre vos lumières le je ne sais plus combien de février, hurlent-ils tous en cœur). Je ne connais (presque) pas une personne qui ne me l'ait fait passer. Au journal de la radio, ce soir, c'était le premier titre, le changement climatique. On entendait pas très bien, malgré moi j'ai entendu tout seul "un degré de plus depuis ce matin 8h". Sloterdijk livre quelques clés là-dessus. Curieux les débats qui surgissent en période électorale. Des lapsus collectifs, mieux que des mythes, des mythes en acte psychologique. Il est vite fait d'avoir mauvaise réputation ; si ce n'était que le 14 juillet... Un parfum de chamanisme, même... Mais des lapsus si énormes, s'il ne reste plus que ça pour nous relier...
J'ai juste un peu de mal avec ces ambiances-là.
J’ai trouvé une bonne liste de diffusion sur radio blog, au hasard de Brassens : http://www.thomasvidal.com/radio.blog/ .
Un peu d’ouverture, un peu de diversité. Je vais retourner dans les livres.
Lorsque l’on joue du piano, même et surtout si l’on ne sait pas jouer, on croit que c’est très beau, et que si ce n’est pas beau, c’est quelque chose, de toute façon, on ne sait pas quoi, quelque chose de très bien. L’important n’est pas là. Les transformations produites en soi.
(Oh, y’a même une tête de chou !)
« Le papillon vole selon 2 modes différents : pilotable à 4 lignes et dirigeable à une ligne, c'est à dire combattant. D'un dessin très simple, il est aussi de construction très simple. En combattant, il vole dans un vent faible voire nul : il démarre avant les Deltas monofils, permet le 360° ».
« Lorqu'il grossit, le bernard-l'hermite doit changer de coquille. Dès qu'il en trouve une qui lui convient, il la pare avec une anémone, une étoile, une branche de corail, etc. Lorsqu'il en change, il doit recommencer ».
On trouve de tout sur le net.
Se pilote à quatre mains en l’absence de coquille.
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