jeudi, mars 21, 2013
mercredi, avril 29, 2009
Teleparticipation à Teleperformance (sous-traitant du service client d'SFR)
Ces temps-ci je n'honore plus mon CDI pour me consacrer plus entièrement à mon mémoire. Il n'avance pas à la vitesse souhaitée parce que je culpabilise encore sur cet abandon temporaire du travail, comme dans l'industrie le devoir est chose sacrée, qui est un devoir de don sans contre don, une pure obéissance, un impératif catégorique.
Le travail est rémunéré, mais uniquement dans sa routine.
Mais la présence est en sus. Les absences ne sont tout simplement pas payées ; pour autant, elles peuvent faire l'objet d'avertissements : le salarié n'obtient aucune contrepartie pour sa présence, mais des peines en cas d'absence.
L'investissement de soi dans le travail et également en sus. Professionnalisme, prises de responsabilité, participation au bon fonctionnement de l'entreprise par des "remontées terrain" par exemple, pour certains même de la vente de produits (ce que l'entreprise appelle "fidélisation clients" ou encore "valo(risation)"), ne font vraiment partie du contrat de base, du travail routinier. Cet investissement est en partie nécessaire pour que la routine fonctionne : faire ami-ami avec les clients, prendre sur soin lors des mécontentements, s'investir dans une "écoute active" même en situation de grande fatigue voire de malaise naissant, développer des techniques et s'informer pour améliorer la qualité des appels, des réponses apportées et dans une certaine mesure favoriser une baisse de la pénibilité du travail ; qu'en partie il est au bénéfice du salarié.
Les collègues à temps plein gagnent moins qu'un SMIC.
Au fond je culpabilise de ne pas donner ce pour quoi je ne suis même pas payé et dont une revendication de rémunération (et simplement déjà d'une considération, totalement absente : comme si l'on nous proposait de donner ce que l'on voulait, donc on peut aussi ne rien donner du tout) pourrait s'avérer légitime.
En plus je ne comprends rien au management mis en place: quand ils ont besoin de nous (disent-ils), ils favorisent le cercle vertueux par lequel, notamment, la discipline se renforce, comme si nous étions des esclaves qu'il fallait surveiller et fouetter de temps en temps pour les faire travailler : une méfiance se met en place, qui devient réciproque, et finit même par légitimer pour eux leur action, puisqu’effectivement nous ne venons plus, beaucoup en profite pour démissionner ou plus simplement s’absenter pour ne pas revenir, nous rechignons au travail et usons de toutes les combines pour travailler le moins possible, je veux dire pour nous faire affecter le moins possible par le travail. Tout cela deux mois après avoir organisé une réunion en grande pompe pour nous expliquer que pour respecter davantage les clients, et même les fidéliser (objectif de la totalité du site à l’avenir), ils se sont rendus compte qu’il fallait davantage respecter et fidéliser ceux qui les respectent et les fidélisent, à savoir nous, les téléopérateurs. La bonne blague. Pur effet d’annonce destiné à enrober le dernier ‘‘challenge’’ en date, les challenges consistant en une compétition entre collègues, équipes ou sites, visant à améliorer la productivité générale, en termes quantitatifs ou qualitatifs, grâce à peu de moyens (sur un site : au mieux un ipod et quelques DVD, au pire comme en ce moment quelques places de cinéma ; il s’agissait d’un grand challenge entre tous les sites, nous n’avons pas eu vent des lots ─ de toute façon le site est bon dernier… ─, mais on nous a promis en cas de victoire une virée à Paris pour recevoir un trophée).
Je ne comprends pas pourquoi ils ne jouent pas davantage sur les ficelles du cercle vertueux de la confiance, comme ils avaient commencé à le faire ces derniers mois (brusque revers ?), en nous permettant notamment de nous (ré)approprier notre propre travail, ce qui est la moindre des choses quand on nous demande d’être professionnels et de prendre des responsabilités dans nos appels. En somme on va finir par nous demander des boulots de cadre avec un salaire de travailleur de base, voire encore plus faible, une reconnaissance inexistante, et une méfiance ainsi qu’un mépris persistants. Et plutôt que de nous faire jouer des challenge compétitifs, pourquoi pas des challenges coopératifs ?
Et puis si c’est l’objet d’un travail pour eux, de faire les méchants, alors ce devrait être simple de faire les gentils. Auraient-ils le sentiment de ne pas travailler ?
Alors comme je culpabilise, je paye en puissances ce manquement au devoir. Ce travail me prend beaucoup d’énergie, je n’en ai plus assez pour travailler mon mémoire : de l’énergie et du temps de cerveau disponible ; mais de culpabiliser me plonge plus longtemps encore que les vingt-trois heures hebdomadaires dans un état semblable, une sorte de contre-champs peut-être, qui immobilise mon corps, me fait mal aux yeux et à la main, qu’il dessèche, m’abrutit et me rend encore moins capable de travailler mon mémoire. Au point qu’au bout de quelques jours c’est une idée inverse qui pourrait s’imposer : en me poussant à l’extériorité et à ce que je ne supporte pas, ce travail au moins aurait peut-être pu me mettre en route, et j’aurais pu utiliser cette dynamique pour avancer mon mémoire, pour autant que ce travail ne l’ait pas consommée entièrement. Et quitte à absorber toute mon énergie, je crois que je préfère encore une activité toute personnelle qui ne produit rien, ne m’apporte rien à échanger avec autrui et encore moins une rémunération, mais qui au moins me plonge dans une sorte d’état primitif, à une activité dont le seul bienfait est d’être rétribuée. Je regarde les heures passées à ne rien faire et je me dis : ah si elles avaient été payées ; mais en faire autant pour le compte d’une entreprise n’est pas aussi simple, puisque d’une part elles sont morcelées, et d’autres part l’entreprise introduit des divisions en moi qui font que ce que j’aurais pu donner de moi-même dans un cadre personnel, même si cela va à l’encontre de mon bien-être, de ma santé, de mon épanouissement, etc., va m’apparaître comme une extorsion intolérable et particulièrement douloureuse. Tant est si bien que je supporte davantage des journées entières d’abrutissement personnel par un contre-champ dans lequel je m’écroule (mais au moins je suis chez moi, sur mon ordinateur, et avec moi-même) qu’une seule heure de travail pour cette entreprise, et déjà au bout de deux j’ai le sentiment que je vais m’écrouler et que rien, rien de personnel ni d’affectif, ne me permettra de tenir, et qu’il faut compter encore bien moins sur le juridique que l’affectif pour passer cette épreuve.
Juridiquement, en effet, dans ce travail, que l’entreprise voudrait métier et qui n’est guère plus qu’un job, usine fast-food, on se fait suffisamment enculer déjà, qu’en plus on voudrait qu’on nous dise merci et nous passe un peu de pommade pour arranger l’affaire. Un seul manquement et nous ne le demandons même pas en termes juridiques, par des revendications syndicales par exemple, simplement nous leur soutirons notre cul, qu’ils ne manquent pas de fouetter par la suite à défaut d’avoir pu, une énième fois le limer.
La méfiance impose des limites, des interdits, et le jeu, la relation, va fonctionner autour d'eux, dans une relation dominant/dominé.
La confiance au contraire ne s'intéresse pas aux limites, aux bordures, à ce qui retient, contient, réfrène, mais aux poussées, aux envies, aux désirs, aux dynamiques naturelles, aux tendances intuitives et impulsives, aux puissances qui sourdent, au potentiel qui s'y annonce et aux possible qui s'y font jour.
La méfiance est satisfaite quand un dispositif est bien gardé, bien respecté, à travers un cercle vicieux qui empêche et restreint tout, c'est-à-dire les dominés et ce qui sourd à travers eux (au fond leur "mauvaise nature"), "tout" renvoyant à d'éventuels débordements, retournement, détournements, du dispositif. C'est le parano, c'est le facho. La confiance est satisfaite quand la dynamique que le cercle vertueux qu'elle permet crée une émulation, une création, répondant aux attentes (de chacun, pas seulement des gardiens du dispositif premier) et permettant de répondre aux impératifs s'imposant au dispositif qui rassemble les divers acteurs, partenaires.
Et voilà comment ce travail de malheur, que je n’effectue même pas, qui ne me paye même pas, continue de m’occuper.
mercredi, février 04, 2009
Aïe Phone
iPhone : SFR et Bouygues Telecom dans les starting-blocks.
Cela fait un mois que les clients me gavent avec cette info, et qu'on doit leur répondre en souriant qu'on n'a aucune info et merci de patienter. En fait les infos je les ai par les clients. Déjà c'est l'un d'eux qui m'a annoncé la nouvelle du jugement fin décembre, je crois, puis l'un d'eux encore qui m'a dit que rien n'était encore fait, qu'il y avait des recours. Maintenant c'est fait et ça va être plus pénible que jamais.
Concernant ce qui est dit dans l'article, évidemment que les boutiques n'en savent rien. Déjà que le service client c'est un soustraitant, c'est pareil pour les boutiques. A part vendre elles ne savent rien ni rien faire.
Il y a même des clients qui appellent le service client pour demander gentiement une remise sur l'iphone, c'est dire à quel point ils n'ont pas compris que sfr était une entreprise perverse (la "demande du client" dont parle la représentante d'sfr... mais elle ne dit pas dans quelle forme...). Pour avoir l'iphone, il faut déjà qu'ils soient éligibles et je ne connais même pas les conditions, ensuite qu'ils appellent pour résilier sans en dire plus à part trouver des motifs de mécontentement et laisser entendre qu'ils souhaitent passer chez orange pour profiter de l'iphone, ressortir le même discours en s'énervant un peu à la résiliation, puis s'ils leur font la proposition, qu'ils dépensent 560 euros, me semble-t-il, avant de se faire rembourser sous environ deux mois, en espérant qu'ils n'oublient par les 70 euros (me semble-t-il) du désimlockage.
Et à moins qu'ils soient de vieux clients ayant pas mal dépenser en facture (peut-être 100 euros par mois, au moins) et n'ayant eu que peu de retards (c'est-à-dire aussi peu de problèmes avec sfr, venant d'eux ou de la boîte, peu importe), ils peuvent encore attendre. Enfin maintenant plus pour longtemps.
Qu'est-ce qu'ils vont encore trouver, après ça, les clients, pour nous casser les couilles ? Le problème en leur donnant tout ce qu'ils veulent sans qu'ils aient même à le demander, c'est qu'ils risquent bien de continuer à demander des choses, et qu'on ne pourra plus rien leur donner. Sans plus de leste à lâcher, cela risque de mener à l'affrontement pur et simple. Sans même dire que tous les pauvres vont vouloir en avoir un, d'iphone, et qu'on risque fort d'être amené à leur en indiquer le prix...
Direct Energie, les escrocs démarcheurs
Non mais quels connards !
Un jeune et un vieux viennent sonner à la porte. Le jeune parle. C'est pour l'électricité, je peux faire des économies, ils veulent juste regarder mes factures pour me dire combien je peux en faire.
Je souris jaune (en plus de mes dents, ça doit faire quelque chose). Je les trouve déjà gonflés, ils ne savent pas que les factures dans notre pays relèvent de la sphère intime ?
Connaissant le coup, je leur demande pour qui ils bossent, puisqu'ils se gardent bien de le dire. C'est Direct Energie. Je leur dis qu'ils sont déjà passés, il y a deux mois, et que ça ne nous intéresse pas (en fait j'avais du renvoyer l'annulation puisque ma coloc s'était laissée avoir).
Le vieux intervient et me sort des arguments (15% de baisse), des questions (pourquoi ne pas changer ? Parce que j'en ai discuté avec des gens, et je ne suis pas intéressé ; il dit : les conseilleurs ne sont pas payeurs ; d'ailleurs il n'a qu'à les payer, les factures, lui, mais je ne le dis pas) et des menaces (vous n'avez pas de problèmes de pouvoir d'achat ? Sans répondre, il enchaîne : vous n'avez pas défilé jeudi 29 janvier, alors ? Avec mon look, il ne doit pas être loin de penser que je tenais une banderole, alors brouillant les pistes, je dis que non, je travaillais (si j'avais su que la formation que je devais faire depuis trois mois, quatre fois reportée pour diverses raisons, avait été annulée, je serais allé manifester, pensez donc).
Je les trouve gonflés. Ces manières de prédateurs, sans même se présenter, à part comme des experts faussement bienveillants (il n'y a rien de bienveillants chez eux, à commencer par leurs yeux). En plus de l'ironie sur les conseilleurs, de leur incorrection globale, de leurs manières de sans gêne, ça veut dire quoi ces propos sur la grève, ces accusations et cette ironie qui s'énonce implicitement dans ces termes : pour répondre aux demandes des grévistes, en particulier sur le pouvoir d'achat, il faut passer par la dérégulation et les entreprises privées, qu'on serait insulter à ne pas le faire. Et puis c'est moi qui dois me justifier, par-dessus le marché !
En plus Direct Energie, je m'étais renseigné, et si je m'en rappelle bien c'est dirigé par RLD, connu pour en 15 ans avoir donné une merveilleuse coupe intertoto à l'olympique de Marseille en tant que propriétaire.
Leur au revoir était plein de ressentiment, le vieux tiquant et le jeune sifflant entre ses dents. Mépris et haine se lisaient dans leurs yeux. Racketteurs, mafieux, démarcheurs pour des sectes et autres inquisiteurs, ne doivent pas être foncièrement différents.
vendredi, décembre 26, 2008
Seul Fatigue et Retour
Contrôleur de Noël et travail de Toussaint, pour rater retrouvailles et fête de vacances.
Souffle au ventre, hors poumons de paquets brésiliens ; regarde par la fenêtre ; le chat est hors sa cage.
jeudi, octobre 09, 2008
L'emploi en crise
mardi, septembre 16, 2008
Culture de la police, et inversement
A la bibliothèque de la Part-Dieu, la file des retours est plus longue que la file des prêts. Les gens regardent autour d’eux comme s’ils étaient punis, et déjà est-il absurde d’attendre si longtemps pour simplement rendre des bouquins ! Ailleurs on se dirait qu’il doit y avoir un problème, mais là, non, pas du tout. C’est la petite honte du lieu, quelque chose de tout à fait normal. Des probables thésards effectuent la corvée, visage fermé et totale absence de communication, de fouiller tous les documents qui reviennent : on fait aller les pages d’un livre de la fin au début, en revenant si on n’a pas bien vu, on dépiauter tous les disques. J’ai eu exactement le même sentiment, pendant que le bonhomme enregistrait le retour de mes six bouquins, que lorsque je me suis fait « contrôler mon identité » et fouillé au corps, poches vidés, par les flics à… ben tiens, à Part-Dieu. Et pendant que je cherchais Legendre, Marin et Baudrillard sur les ordinateurs, dans un escalier des flics coursaient des jeunes à un rythme tel qu’on aurait cru un ralenti ; de dangereux criminels, évidemment ; mais oui, chers policiers, nous avons très très peur, ne cherchez plus. Ce qu’il y a de bien ici, c’est qu’on peut rendre tous les bouquins dans n’importe quelle bibliothèque ; et moi, je crois que c’est ce que je vais faire.
lundi, septembre 15, 2008
Défilé de la biennale de la danse
Ça devait être la fête. Il devait se passer quelque chose. Mis dans le bain d’une certaine extravertion, ouvert sur l’extérieur, c’était sans compter sur la malice des organisateurs. Un dégoupillage qui transforma cette joie à venir en pur énervement. Dans le zen il n’y a pas la chaleur de la joie ; le sang chaud tourne s’il ne trouve pas le mouvement.
Les barrières coupaient en deux la rue, dispatchant les spectateurs suivant leur endroit d’arrivée. Les défilants, invisibles, on ne les entendait pas si la sono n’était pas au maximum, ou leurs sons se mélangeaient. Quelle idée d’attendre une fête d’un spectacle tout entier dévolu à ses seuls acteurs ! A en attendre quelque chose, c’est plus qu’une après-midi qui en fut pourrie.
Parce que bien con jusqu’au bout j’ai voulu leur faire confiance, plutôt que de prendre mes amours et partir ; jusqu’au bout ne comprenant le sens de sortie de la station de métro, une telle absurdité ne pouvait être possible, tout devait être si simple ! C’est dans la joie et la bonne humeur que le mur de barrières ségrégant instaura une guerre froide.
Vers des lieux plus boisés, l’oubli et le recentrage doucement mélancoliques imposèrent musique répétitive, piano, cor, tandis que le coke et la clope se chargeaient régulièrement d’éponger le trop-plein.
Envelopper le corps et lui donner une musique à sa mesure, parvenant même à lui faire retrouver un certain désir, calme ses envies d’hurler, disloqué, étendu quelque part loin des regards anxieux.
Un souriant visage maquillé se fend d’un trait de rouge à lèvres aux oreilles, montre les dents, une diabolique lueur dans les orbites, et je ne l’ai pas vu. Laissant la plus chère par-delà les barrières en lui reprochant de ne pas savoir, cette fois, voler.
samedi, août 30, 2008
Déborder la compréhension
Qu’est-ce que sentir quelqu’un ?
Le sentir est le lieu même de la compréhension : les sens. Qu’est-ce qu’entendre quelqu’un, s’entendre avec quelqu’un, goûter quelqu’un ?... Au-delà encore… Une sorte de synesthésie.
Qu’est-ce que comprendre ?
S’agit-il de cerner ? S’agit-il d’accepter ? S’agit-il d’intégrer ? S’agit-il d’être avec ?
Quel est le but — quel est le cadre — du comprendre ? Ces éléments toujours sont indissociables de la compréhension du comprendre, de son enrobage scientifique : qui cerne, accepte, intègre, est avec…
Qui je suis, moi, qui comprends telle personne ? Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce qui se passe, là, où on est ?
On en sent, des gens, dans une vie. La plupart du temps ce n’est pas conscient, ce n’est pas voulu. Cela se passe de mots.
La compréhension que l’on a des autres, comme de toute chose, inanimée ou non, permet à notre trajectoire de se tracer.
Toute compréhension que je pourrais faire est limitée par ma propre trajectoire. Toute compréhension que je pourrais faire influence ma trajectoire propre. Au creux de ce dilemme, je ne suis pas conscient : je vis.
Je ne peux déporter la problématique sur la vie, et pourtant : il s’agit bien de cela.
Je vis d’autant que je ne suis pas conscient de vivre. Je vis avec les autres qu’autant que je n’ai pas la réflexivité de l’autre comme autre, de l’autre comme vivant.
J’ai l’ambition modeste de vivre et de comprendre les autres. Un paradoxe obscur. Puisque la vie s’épuise en elle-même, puisque les mots vivent de leur propre vie : comment pourraient-ils la relater, comment pourrait-elle agir sur eux ?
Comprendre, c’est être, mais je n’existe que dans l’agir qui découle de ce comprendre. Qui le comprend.
Je comprends différemment selon les personnes, selon mes propres états. Sans ouvrir au plus grand relativisme, cela introduit à mon plus grand relativisme personnel. Enervé, frappant quelqu’un, il y a encore de la compréhension à son sujet.
Ma compréhension reste dépendante de moi. Pour s’en abstraire, et sans rejoindre le point de vue de machines compréhensives (justice, sociologie, idéologies…), je ne peux que rejoindre, depuis moi-même, la subjectivité des personnes que je comprends. Dans ce mouvement — intellectuel, vital, sensitif, discursif… — s’installe une compréhension qui est à la fois texte et vie.
Cette compréhension s’inscrit dans une ligne de mire reposant sur un paradoxe : toutes ces personnes existent, en plus d’être, et toutes elles ne sont que potentiel, possibles, virtuels.
Je comprends lorsque je suis dans ce mouvement compréhensif qui interroge le virtuel. Le virtuel est notre imaginaire, le double à notre époque — phantasme, trompe-l’œil, inillustrable, aire de résolution, source et dépôt du réel. La vie est au diapason du réel, comme une membrane battante entre lui et le virtuel ; ce qui n’est pas le cas de cette prose qui s’inscrit dans le vide.
Comprendre, c’est sentir. C’est se mettre au diapason du monde pour faire vibrer cette fine membrane. Et tout travail d’écriture est nécrophile ou se grave dans le vide ; extrayant, par exemple, le virtuel, pour le déployer dans la représentation.
La vie ne s’écrit pas. Et toute sociologie ne peut qu’être un défi à ce qui ne se laisse pas dire. L’objet de la sociologie est ce qui encadre l’existence, et que l’on saisisse celle-ci depuis les interactions ou depuis la vie personnelle, cela revient au même : c’est une question d’agencement.
— Interroger des personnes sur leurs « relations sociales ». Interroger des personnes sur les objets auxquels elles tiennent. Points d’entrée dans l’univers de leur vie, entre le réel et le virtuel, la main sur leur existence, leur vie, cette petite membrane qui bat et dont les échos résonnent dans le monde entier, l’univers dont le battement, imprimant en retour sa marque sur tous les battements particuliers, est la conjonction, désordonnée, chaotique — un pur bruit — de tous ceux-ci. Un pur bruit qui ne se laisse jamais entendre car tous, nous sommes l’un de ces battements.
lundi, août 25, 2008
Sub specie cottidianae vitae
J’ai marché la moitié de l’après-midi, faisant le grand tour du parc de la Tête d’Or, le tour du zoo, en commençant par les girafes et les zébus qui galéraient pour trouver un peu d’ombre, foutus au pilori d’un mur de bois devant le regard voyeur des visiteurs. J’ai cherché les serpents, aussi, mais il n’y en a plus.
Je me suis allongé dans la pelouse, devant le soleil et de gros nuages noirs et une belle lumière sur les arbres et la grille noire et dorée et la statue et je n’avais pas mon appareil photo, et j’ai « lu comme on regarde un film » pendant 40 ou 50 pages.
Je n’en voulais plus au monde, aux autres et à moi-même, j’étais réconcilié avec tout ça, sans peur ni exigence, sans haine ni impatience.
Simplement seul, détendu, prêt à aimer et être aimé, en route vers je ne sais où.
@ pardon à ceux que j’ai gavé ces derniers jours.
dimanche, août 24, 2008
Sombre
J’ai juste envie de crever. De vivre un peu.
De rester là devant cet ordi de malheur. Rapport à l’hypermédia. Un peu toi.
De rester là en tension, en dépression, pierre lourde tombant au fond de l’eau. De l’eau de nuit.
Je suis toujours triste face à l’ordi. Quand il n’y a personne. Jamais personne.
Tristesse, pseudo-tristesse, pseudo-tout.
Un passage, une tension, une ligne se continuant, j’ai opté
Pour être tout, errant, ce que je suis maintenant
A cet instant où ce que je veux ne m’est pas accordé.
Je suis Idiot et c’est moi qui choisis,
Attendant,
Je ne laisse pas de prises.
Je ne peux vivre que dans ma seule mobilité. Personne ne me recueille.
Et moi non plus.
Mon cœur ne parle que peu.
Il bat souvent trop vite, et voilà tout.
Je n’aime pas l’entendre, et je crains, qu’elle vienne s’y coller.
Mon cœur n’aime personne. Il aimerait juste ne pas mourir trop jeune. Et moi j’aime quand il s’efface.
Ce n’est pas mon cœur, qui l’aime.
C’est tout le reste.
Loin des écrans, quand je suis avec elle,
Je m’efface.
J’ai juste envie d’aimer. Mourir, un peu.
D’être là pour rien du tout. Un rapport à la peau. Un peu toi.
D’être là dans le cosmos, en peau à peau, un petit corps sentant plongé dans l’univers. Ver de nuit.
Souvent là commence la vie, dans la nuit. Et se finit. Toi ici.
Sergvolant presents : la sublimation d'une pause repas d'un play-la-machine
Ce midi, à 14 heures 30, j’étais en pause repas, et le temps d’avaler un sandwich-machine fade et trop mou, j’allais manger un vrai sandwich à l’entrée du parc, que je longeai par la route dans l’espoir vite démenti de croiser un bus pour gagner quelque temps comme on gagne quelque argent, puisqu’il est dit que l’argent c’est du temps ; salaud de sandwich à frites qui m’a fait vider des litres de flotte après pour me débarrasser de leur sel.
Je passe devant le musée d’art contemporain, le MAC Lyon, le MOCA Lyon, l’affiche pour Kendall Geers, abandonnant mes hordes de collègues à leur codemaster, leur ordi, leur souris, leurs sourires, vint le moment de tension m’arrêté-je devant Interpol, m’arrêté-je pas, le bus, puis non, je continue, soudain —
Une explosion ravagea, mais un peu plus tard en fait, c’est mieux, le bâtiment des super flics, spider men des réseaux bleu prison, le drapeau qui flotte devant et son architecture pas trop trop rococo. Ça passe aux infos, à la radio, partout, Dieu qu’il y a toute la famille, enfin certain plutôt, qui se dit Mon Dieu l’autre il bosse à la Cité Internationale, ils ont dit ça, la Cité Internationale, qu’il y bosse jusqu’à 21 heures, et qu’eux on se demande comment ils ont chopé l’info alors qu’ils vaquaient à leurs occupations d’un samedi d’août après-midi ; au moment du 11 septembre aussi, je n’avais vraiment rien à faire en plein après-midi devant la télévision.
Voilà qu’on m’appelle, que je réponds placidement. Salut ça va ? On m’interrogea plus tard, Oui j’ai entendu un boom, j’ai fait ha merde, puis je me suis dit qu’à gauche ça devait à peu près être par là, alors j’ai fait putain de bordel de merde. Quelque part je cours super vite, mais c’est pas raconté, faut quand même pas exagérer, d’ailleurs idéalement il y a un bus qui m’emmène à ce moment-là
Tout n’est pas drôle alors je change la donne plusieurs fois, même que je ne me rappelle plus de grand-chose. C’est plein de décombres et d’un caméraman. Un appel arrive alors que je venais de dire à des collègues que j’aime bien de pas trop crever, dans des élans de mélodrame de série américaine d’après-midi d’il y a quelques années, des films de Bruce Willis, tellement qu’il fallait qu’un appel arrive, et je réponds bien sûr. SFR bonjour Sergueï à votre écoute. Mhh mhh mhh gnagnagna rhataki arschouille pff. Très bien monsieur donc vous souhaitez bénéficier d’un renouvellement de mobile pour le Nokia N95 8 gigas à un tarif frôlant le zéro sous prétexte que vous avez 5000 pauvres petits points carré rouge et que vous réglez vos factures depuis 5 ans. Souhaitez-vous avec ceci un ordinateur portable, les clés du coffre et un reliquat de la dernière épilation de Lady Diana ? Je vais vous demander de rappeler, monsieur, parce que là je sais pas si vous êtes au courant, bien que ce soit moins important qu’un Nokia N95, mais des plaisantins ont truffé Interpol de pétards un peu secs, ce qui fait que je suis en maintenance informatique, et que le service est en grande partie en maintenance humaine aussi, en fait mes collègues sont passablement morts, enfin à ce moment de l’histoire peut-être ceux que j’aime pas, dont je me fous, connais pas, les autres étant un peu tremblants. D’ailleurs monsieur je vois une caméra, nous passons peut-être à la télévision, regardez monsieur je vous fait coucou : coucou !
Je dis à ceux que je connais de pas mourir, j’essaie. Y’a les jumeaux, y’a D., y’a F., y’a A. un peu plus loin, F. finit aussi par être par là, j’avais oublié qu’elle était à l’étage au-dessus et que ça ne compte plus trop. C’est plein de moment très chiants, très beaux aussi, faut aimer le genre : Dis à ma famille que je l’aime, Tu lui diras toi-même (fais coucou à la caméra !). Bien sûr y’en a qui meurent, comme F., la deuxième, qui en fait n’était pas là ce jour j’ai appris ça plus tard, dans un éclat de rire déclenché par je ne sais plus laquelle de mes feintes.
Des discours. Plein de discours. Un discours sur chacun, quelques mots sur leur devenir, leurs désirs, leur vie future peut-être. D. qui n’inscrira pas le but vainqueur du Gabon en finale de la CAN, les jumeaux je n’y ai pas pensé ils ont pas du mourir, les autres je ne sais pas, j’ai juste pensé pour F. et je n’ai rien trouvé. En tous les cas je ne cours plus dans tous les sens, aussi drôle qu’impliqué dans mon rôle de survivant, au moins autant que dans un appel ; non mais j’accepte le rôle de survivant, de témoin, vous savez je ne pense pas qu’on doit tous crever non plus, il en faut pour témoigner de ce qui s’est passé.
A la presque fin je n’en peux plus, la plupart ont été emmenés par les pompiers, que mon agitation a dévié de leur trajectoire vers des inconnus vers les connus, les autres sont morts, et je sors du cercle des décombres en hurlant, pleurant, et je m’attaque en le traitant de terroriste de l’image affectuelle au journaliste qui traîne encore par là avec sa caméra, à l’écran on voit l’image qui tourne, sur quand même pas mal de mètres, belle technique de respiration de ma part, avant de finir dans l’herbe.
A la fin de cette histoire au début de laquelle je m’étais dit que je n’avais jamais laissé sur place que mon casque au petit micro, je suis un prêtre, enfin, plutôt moi-même, qui commence à dire, puis chanter, un discours de clap de fin sur un rythme naturel, qui se trouve être hip hop, ce qui part légèrement en gospel, avec un refrain que les participants peuvent chanter également, même que certains se mettent à faire les bruitages musicaux. Tout ça se termine bien, c’est très beau, c’est très parfait. J’avais terminé mon sandwich sans un instant penser à moi-même, ahah, mon cœur, le paysage qui m’entoure dans lequel je ne me sens pas en confiance à m’en sentir distant, sans fumer, sans manque ni besoin, ahah, balançant dans mon imaginaire de la pause repas ce que d’autres se foutent devant les yeux le soir sans vraiment s’en cacher, l’ersatz phantasmatique de vie de ceux qui n’en ont pas. De la culture, quoi. (Qui remarquez-le, featuring déji Marxou, ne peut qu’être le fait des travailleurs.)
La journée sinon s’est bien passée. J’ai fait des deux heures d’affilée sans crever d’envie de pause, je n’avais pas eu envie de détester tout le monde, je n’ai raccroché qu’à l’une gueule de client, le genre qui ne veut rien entendre ben moi je ne l’écoute plus, il n’a qu’à pas disposer que des impossibilités autour de son cas, et le plus difficile de la journée a terminé en me demandant mon nom et mon mail chez SFR pour m’envoyer des fleurs et surtout que ça se sache (je m’en fous remarquez j’ai aidé des collègues à pas mourir, alors même si tout le monde se fout du profil banlieusard bac +2, à part peut-être Nico allez donc bien savoir, c’était quand même chouette, de passer à la télé et que des cinéastes s’inspirent de mon personnage après, et vous pouvez rien dire parce que c’était plus drôle que là d’abord). Moi je dis : mon meilleur ami c’est le client, le reste n’est qu’une rigolade ; le travail également.
Et si ce n’est dans le soir, quelques blancs m’emmenant dans des trous noirs ; comme une recherche de proximité enfin avec le bien distant, sans joie ni dynamisme, qu’un pseudo-recul mains sur oreilles bouche hurlante pour ne pas accepter la faiblesse (tu te rappelles, dis, le tact, l’écoute, la grâce ?) d’un cœur ouvert, d’une envie d’affection, près d’une pierre froide et d’un couteau caché ; mais je crois que les ponts sur le Rhône ne sont pas assez haut. (Et l’explosion d’Interpol ? ah ben non, merde alors.)