dimanche, septembre 16, 2007

Dimanche

Il est 18h et je me réveille. Le jour laissé pointant à peine laisse maintenant traîner un soleil oblique, dépliant doucement de grandes ombres, qui seraient confortantes si le reste de la famille n'avait pas déboulé cinq minutes plus tard pétantes, avec leur voix toujours égales, et toujours trop fortes, leurs gestes, leurs respirations, leurs pas, leurs comportements toujours semblables.
C'est mon côté maso et dépressif de ne pas me retenir parfois d'aller dans mes bas fonds. A l'opposé d'une séduction amène, d'un bon en avant dans l'inconnu, le futur et l'imposture croyante, le jeu, je peux agir en sens inverse et trouver presque un écho dramatique à ce qui est surtout pitoyable. Face aux vieilles icônes, il y a un moment où les croyants s'autoflagellent.
Une retenue extrême qui fait tomber dans la débilité, une pauvreté extrême, un néant dont la seule beauté est le minimalisme moite et stoïque qui peut s'en dégager, comme dans mes souvenirs ce film d'un cinéaste portugais (lequel ? Ossos, de Pedro Costa ?).
Le week-end est un temps de vacance, un temps de latence, un temps d'absence. Un temps de rien, sans mobilité, ni enjeu, ni urgence. Un vide intolérable. La lobotomisation, en maintenant asservi à basse tension mais à tension urgente tout de même, zombifie et aide à passer ce trou dans la marche du temps, cette petite fuite dans la grande fuite.
Comment coordonner la séduction, la marche en avant, avec un registre non guerrier ? Comment apprendre l'insouciance et la superficialité ?
Je voulais aussi voir une exposition se terminant hier, mais si j'y pensais avant-hier, dans la journée d'hier cette histoire m'est complètement sortie de la tête. Je m'attache à ce dont je suis absent, et aux déjà morts qui, quelque part, vivent, comme moi, ici et maintenant, suis déjà mort sans vivre. Paniqué à l'idée d'une socialité sans autre but qu'elle-même.

Point à la ligne

Il est probable que j'arrête ce jour cette histoire de blog. Sauf si, comme chez ceux qui font parfois semblant d'arrêter de fumer, ce qui passe par là ne sait passer ailleurs.

Nietzsche disait qu'il ne faudrait retenir que les phrases et idées qui nous viennent "en marchant". Il faut mettre des guillemets, le pauvre la marche était sans doute sa seule activité.

Assis, vraiment rien de bon ne vient. Cela finit par des lignes étroites qui rétrécissent ce qui crée des lignes étroites qui rétrécissent... Une manière d'y mettre son angoisse, dans tous les sens, n'importe comment, dans une absence de contrôle nécessitée par l'urgence, par l'angoisse qui sourd. Mais quelle distance vis-à-vis de soi encore. Spectateur de soi, cela n'a rien à voir avec la création comme celle qui se déploie lorsque l'on s'oublie, et voit s'éclore des fleurs de cohérence, de profondeurs et d'ampleur sublimes, nexus parfumés. Ce serait plutôt le récit en creux d'une impossible immersion, d'une impossible volonté.

Les lignes que je préfère, elles sont inscrites dans des carnets, avec un stylo. Notes de n'importe quand. Et comme recopier, répéter, simuler, m'ennuie au plus haut point et que je préfère me lobotomiser, si j'ai un moment ou plus, avec quelque chose de nouveau (une non nouveauté qui se répète...), cela n'aide pas et mon étouffement n'est pas soulagé, juste déplacé.

Ce que j'aime (parfois cela va jusque là) sur les blogs, ce sont surtout les nouvelles idées de blogs. Lorsque le désir m'en prend, je le décore. Généralement, si j'écris quelque chose, ça ne va pas plus loin qu'un ou deux posts. J'ai horreur de me sentir étouffé par une forme donnée. Alors je laisse le blog en jachère, et il attend sagement. S'il pouvait partir, ce serait sûrement plus drôle, mais sans que ce soit décidé par la plate-forme, des calculs bien trop froid : non, plutôt un rapport de séduction avec ma création.

Là je suis assis, et rien d'autre ne justifie ces lignes qu'angoisse et ennui à travers lesquels je suis passé avant d'en arriver là. Sans que ce soit trop fort, il ne faut pas exagérer. Aller toujours un peu plus loin que le point présent pour résoudre l'angoisse, et ne pas mourir un jour de plus à défaut d'avoir vécu.

Lorsque je ne suis pas sur internet, cet enfermement devant l'écran obscur me semble extrêmement distant. A l'inverse, devant lui, c'est l'urgence d'une réalité plus puissante encore qu'au cinéma.

Insensible à force de refuser les formes par trop banales pour infuser des sentiments. Reproduire le plus exactement possible une chanson connue et aimée : les sentiments passent, mais quel procès de réification. "Mignonnes" ; c'est clair, mais que peut-on dire d'autre ? Ce creuse une distance dramatique entre l'objet réifié et les sentiments investis, ou qui sont faits passés. L'émotion découle de ce drame, pas de la chanson répétée. Cependant que nous fêtons la mort de celle qui fait pleurer à coup sûr, la Callas qui a tenté d'introduire un jeu d'actrice dans sa répétition dramatique, ce qui n'a pas suffit.

Il est plus facile de libérer lorsque le temps est très avancé, quelque part dans la nuit, car leur importance est moins grande, un poids s'est enlevé qui est celui de l'ambition, de l'efficace, des prises de tête diurnes sur l'avenir du monde et de soi. Chaque nuit on sait que le lendemain n'existe pas, que c'est un autre jour et que pour cela même il n'existe pas, par rapport à l'écoulement présent.
Ou c'est peut-être d'avoir vu autre chose qu'un simple défilement d'images avec la rediffusion du Mr Max écrit par Dan Franck. L'évènement happe, il ravit à ses soucis, surtout s'ils finalement ils ne sont pas très importants. Le recueil à l'évènement est commandé par des forces, qui sont mises en relation avec celles qui commandent les soucis ; pour le souci présent, la seule force est la mienne, soit peut-être celle parmi toutes la plus légère.

Ma vie se déroule sur l'horizon présent d'une mort certaine, nulle et dépouillée de tout. Images de camps, de sida, de folie ; horizon nihiliste. Vie subjective en spectateur de cette vie et de cette mort. La nervosité pour tenter de ne pas rester trop loin du wagon, accroché entre les deux. Dont la vitesse est proportionnelle au degré de spectacle.

Devant l'écran obscur j'ai les yeux comme écarquillés, en plus d'être assis et d'avoir du mal à respirer. Lorsque je marque n'importe quoi, dans un énervement regardant ailleurs et inscrivant sur l'écran ce que la main, obéissante mais dépourvue de conscience, veut porter témoignage, c'est alors qu'il m'arrive de capter quelque chose.
Je procède ainsi naturellement en dehors de cette place. Mais la main ne porte note qu'au fond de mes poches. Et si la bouche se charge de la publicité, je suis très étonné de voir les gens me parler, ils me semblent aliénés et parler à un étranger. Je n'aurais pas cette impression si le jeu me plaisait et captait toute mon attention, sur plusieurs niveaux ramassés tout en un, immergé(s) dans la situation présente. Dans le meilleur des cas, je me fais l'impression d'un hibou, image de cette possibilité de regarder à travers ses propres yeux comme si l'on n'était pas soi ; sans éprouver le besoin de fuir ou se cacher.

Ce lieu d'internet, le mien, a toujours été dans mes représentations une sorte de Heimat. Sans projection, ni séduction, ni simple médiation bien sûr. Au début, il en allait autrement. D'ailleurs, il en va toujours autrement aux créations. Puis je fais comme si j'étais chez moi, et les règles petites-bourgeoises du rapport humain, familier, immédiat et transparent (mais non sans zones d'ombres ni recoins, ce qui est déjà quelque chose de gagné), prennent le dessus ; j'accueille dans un espace sans porte ni fenêtre, et je reste seul. Ce n'est pas que cela me déplaît, tout mur fixant un rapport à l'altérité -- mais vu ainsi c'est déjà autre chose, un autre rapport qui se crée sans qu'il y ait pour autant de poussées venant de l'extérieur, et l'espace lui-même se transformant.

Ce n'est jamais qu'un espace régressif publicisé. L'avantage du statut d'incognito est qu'il préserve de rapports humains sur la base de ce rôle lié à un espace régressif.
Et l'avantage d'internet est de permettre de changer de masque. Et si on utilise notre nom, à quelle détermination cela engage ! Sortir de la régression, grandir un peu... mais tous les jours je me dis que je serai mort avant.

Et de ce que je garde en retrait, je n'ai pas envie de le publicisé ainsi. Pas là, pas maintenant, pas comme ça, pas à l'état où c'est. Le vieux Sigmund disait, disait le vieux Debord, que ce qui sort est perdu, ce qui est dit s'annule et se perd dans le procès de parole. Un peu comme la poésie à reste zéro, du linguiste contemporain du premier, de Saussure. On peut se sentir dépossédé, comme si tout ce qui pouvait être dit était déjà sorti, ou comme s'il n'y avait rien ou plus rien à dire, et refuser pourtant, par réflexe, par mémoire morale et incertaine, par habitude, la prostitution.

Ainsi, il est probable que j'arrête ce jour cette histoire de blog. Sauf si, comme chez ceux qui font parfois semblant d'arrêter de fumer, ce qui passe par là ne sait passer ailleurs.

vendredi, septembre 14, 2007

C'est la rentrée ; ctrl + s fois 653 = un mauvais aspirateur au service de la conservation névrotique du patrimoine herbeux

Ne pas penser à soi, faire, se lancer au milieu des choses, parler, désirer, etc., etc.

J'y pense et ajoute un d'accord c'est bon j'ai compris.

Pas la peine d'y repenser.

Je note ceci deux heures après l'avoir produit dans ma tête.

J'ai horreur des répétitions, surtout à l'identique. Refaire, répéter, simuler : quelle horreur. Peut-être quand j'aurais trouver une forme qu'il ne me déplaîra pas de répéter ?

Complètement hors-sujet, mais c'était à l'instant : elle, tu, les gens, qui être conjuguer à la personne voulue morts plusieurs fois, avoir conjuguer à la personne voulue plus de chances de vivre, bien et longtemps.

C'est ce que je me dis face aux doses en rétrospection que je m'envoie. Bouts de vie. Fragments d'une unité quand même présente, très présente (trop ?).

Au moins c'est vrai elle s'oublie très souvent, et met en scène son oubli d'elle-même face à l'image, bien plus souvent encore. On ne voit pas du tout un cerveau, si desséché soit-il, à l'oeuvre derrière une vitre opaque. Pas des fragments sincères non plus. Travail de (re)composition. Au fil du temps. Instants cristallisés, fragments durs.

Logique, encore, du signifiant et de l'évènement, toujours évité cependant.

Je sais très bien pourquoi elle m'avait "intéressé". J'ai horreur des personnes perdues dans leur temps. Encore moins celles qui sont vaniteuses prétentieuses à l'intérieur de leur petit, tout petit espace-temps, sans s'attacher à rien qui le dépasse, ni rien créer qui le dépasse. Je veux dire égocentriques, ce qui revient au même. Je n'aime pas non plus les personnes qui n'ont pas la vanité de s'imaginer supérieures au petit espace-temps qui les contraint.

Soudain une extraordinaire beauté surgit de ses lignes, de ses visages sur photo, une beauté irradiante sans source précise, venant de tout l'écran. Une aspiration, un plongeon, dans la moindre lettre, dans le moindre interstice entre les mots, les lignes, entre les corps et les objets, je ne pouvais pas être ailleurs, damné.

Quand ce qui n'a jamais existé, ce qui n'est strictement rien, rayé de la carte, voué aux gémonies riantes, moqueuses et ironiques, surgi, se présente innocent, avec une force rare, une intensité de vie phénoménale, une capacité de pliage non moins extraordinaire, et un corps mou, liquéfié, friable, désossable, élastique, porté comme une défroque autant bouffonne que triste... L'aspiration est totale.

Mais ça c'était après. Toutes les rentrées portent le souffle du nouveau, cette joie extraordinaire et évènementielle du neuf. Avant, cela avait débuté comme une blague. Morte d'y avoir cru, sans plus rire.

mardi, septembre 11, 2007

Journée de merde

J'ai passé une journée à chier, j'arrive tout mal à respirer, j'ai besoin de vivre un peu mais c'est pas vraiment possible, et je me dis que quand on dit quelque chose, la forme importe plus que le contenu.

Donc dans un faux oubli de moi-même qui accentue un peu plus mon envie de vomir, je dirai que je risque de trouver ce soir des expédients à cette journée de merde, histoire de me dire qu'elle n'a pas tout à fait été un grand vide.

Un cours raté, un autre où la prof n'était pas là, une course avec les trams et bus et mes repères d'un quartier souvent traversé sans le connaître, pour arriver vingt minutes en retard à un rendez-vous pour un appart meublé pas trop cher et tout bien si ce n'est son quartier.

Comment fait-on pour ne pas passer par des agences ? Et celles-là qui veulent qui 150, qui 180 euros, pour nous mettre en relation avec des proprios, sans même qu'on sache exactement s'ils existent vraiment ; ce qui est tout de même moins cher que les frais d'agence normaux, s'ils là il n'y en a pas.

Et mon correspondant à l'intérim qui me dit me rappeler le lendemain chaque jour, mon emploi du temps n'est pas stable. Depuis, des visites immobilières se sont encore ajoutées.

Un peu de Foucault lu dans les trams, les bus. L'horreur fnacienne où il n'y a jamais rien d'intéressant à lire, et je ne sais plus m'y retrouver. Impossibilité de rêver, impossibilité d'élaborer quelque chose qui se tienne.

Sensation vraiment que dans la ville les rapports humains sont guidés par des structures chosales qui n'ont pas grand chose d'humaines, où quand ce que je pense a du mal à rejoindre ce que je vis et veux, ce qui m'est banalement normal.

Quoi d'autre ? C'est l'avantage d'être citadin : il n'y a jamais rien d'autre que ce qu'il y a. Sinon à verser rapidement dans la pathologie, ce dont je me préserve en refluant la mort en moi. Citadins comme des Sims : quand ça tourne, ça tourne, mais avant que ça puisse tourner, la mort est si vite arrivée. Et tout au long de cette recherche, quelle sensation d'oppression !

Le mec dans sa tour, tout là-haut. Qu'est le plus important ? Qu'il voie tout et de haut ? Qu'il ait une vision d'ensemble ? Quels sont les modes de projection de qui reste tout en bas, pour obtenir une vue pareille ? Rien n'est plus absurde qu'un bonhomme restant en bas et regardant les autres ; il faudrait qu'il vienne de loin, de haut, pour cela. Qu'il relate sa propre expérience, ce sera déjà suffisant. A moins bien sûr qu'il soit embauché pour dessiner, peintre d'Etat, les illusions nécessaires à son employeur, ce qui ne nécessite guère quelque précaution d'usage.

Quoi d'autre, quoi d'autre ? Dans cette fuite indéterminée qui a été ma journée, chercher des visages féminins -- non, pas exactement des visages, mais dire des culs et quelques seins serait tout aussi inexact. Pas objets de désirs, d'autant moins que s'écoule la journée. Simples repères familiers, sympathiques, dans cette poursuite absurde. Mais ça ne marche pas vraiment ; vaut mieux faire un sourire à la serveuse, les chances de réponse sont moins faibles (pauvres serveuses, si vous saviez le nombre de minables que vous ne feriez pas revenir si vous ne souriez pas).

Après il m'arrive de penser à ces gens qui ne lisent jamais rien, qui ne regardent jamais un bon film, etc. etc., ne sont jamais investis par des puissances qui les dépassent, mais culturellement et non au stade. Ceci paraît déiste, sauf que ces gens, je ne peux m'empêcher de les imaginer comme ces brebis de l'Eglise, sauf que ce n'est plus la même. Ceux qui ont inventé les systèmes dont parle Foucault, et que les sciences humaines n'ont jamais eu d'autre fonction que de renforcer, devaient être bien certains de leur place à l'abri de ceux qu'ils mettaient au pas, en même temps qu'ils devaient avoir bien peur de la perdre, d'où leur surcroît de zèle.

Autre nouvelle, mais elle n'est pas d'aujourd'hui (mais non, elle est de tous les jours). Il y a un endroit, un mot à côté d'une icône orange recélant le signe blanc d'un radar, où une fenêtre s'ouvre avec les nouveautés : qu'il n'y ait rien depuis quelques temps ne cesse pas de me soulager.

Bon, sinon vivement que j'ai ma propre chambre, que je puisse enfin... travailler.

lundi, septembre 10, 2007

Instantané d'une recherche harassante


Oui, je sais, ça ne marchera pas. Mais qui sait ?

mercredi, septembre 05, 2007

[F]estival


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