samedi, novembre 25, 2006

Certaines phrases

De tant en temps, une phrase qui m’a marqué me revient, une phrase que j’ai sentie comme une aide existentiel. Le problème, c’est qu’elles partent quand ça va bien, et que c’est tout un chemin avant qu’elles reviennent, que la bonne revienne.

Par exemple, une phrase de Nietzsche me semble du plus grand secours actuellement, celle de sa morale : « un oui, un non, une ligne droite — un but ».

Parce que lorsqu’elles reviennent, ces phrases, elles ont un sens, véritablement un sens, peut-être à chaque fois légèrement différent (et en fin de course dès lors très différent du premier).

En ce moment, le sens que je donne à cette phrase de Nietzsche est à peu près celui-ci, le mot majeur étant le but : parvenir à s’imaginer un futur, et à se tenir dans le présent, sans être pragmatique pour un clou, en fonction de celui-ci. Ce qui engage un oui, un non, et une ligne droite. M’imaginer, c’est pas un rêve du tout de moi-même, c’est quelque chose, une incarnation, je ne sais pas trop, vers quoi je veux tendre. Une manière d’être, peut-être, ou une position face au monde, et d’abord en moi-même.

Enfin, c’est pas très clair. Mais est clair en tous cas qu’il s’agit de me sortir d’un présent qui ne mène à rien, et que je n’aime pas (je parle de moi, hein, et de rien d’autre, que je n’aime pas, parce que sinon…).

dimanche, novembre 19, 2006

Surprise

Finalement il n’y a pas eu le documentaire sur les collabos au château des Hohenzollern, mais un documentaire allemand mettant en parallèle les façons de penser d’un jeune de 25 ans et de son père au même âge, étudiant de Beuys dans les annés 70. Ça m’a surpris.

Monde laid vide manque monde

Tout vide, pas de mots. Ou presque. Cause adaptation à mon environnement, sans cesse. Le vouloir se fait la malle, du coup le monde aussi. C’est pas bien, ici, mais ne sait pas m’en extirper. Clope et divers liquides dans bibendum tuyauté. Même plus de rêves, rien. Coincé entre la mère et les divers médias, plus de place pour.

Manque une vue de l’esprit qui permet de garder la chaleur du port au milieu des mers. L’abandon arrive vite, très vite. Amour-propre disparu. Dehors ça ne répond pas, et quand il y a des signes, combien mauvais, alors bon. Quand il n’y a pas de lieu où fuir, et qu’on ne veut quand même pas accepter les miroirs de semblables naïvement eux-mêmes quoique virtuels, et plus encore. En les subissant sans cesse.

Insupportable monde tout éclairé. Pas d’ombre, pas de temps mort, pas de pause, pas de coupure, permanence du flux motivé, sourires à tous les étages. Force imbécile heureuse du présent. Avec une touche de naïveté pour faire joli. Nous sommes tellement tous aplatis que tout ce que nous faisons passe pour bataille, et même victoire. Les joies de l’égalité sociale alliée à la croissance démographique et l’ouverture des mondes.

Ce soir minuit cinquante documentaire Les Ténèbres (Sigmaringen !) d’un certain Thomas Tielsch sur Arte. Sur l’ambiance du gouvernement de Vichy et autres collabos réfugiés au château des Hohenzollern, appuyé sur des passages d’Un château l’autre de Louis-Ferdinand, post-décadent fasciné par le vide. Encore bien déprimant, pour changer. Peut-être, avec un peu de chance, une étoffe à mettre sur les épaules. Il y a trop de silence, disait l’autre il y a peu. Pas assez d’esthétique, aussi.

L’esthétique, c’est pas dur. C’est se sentir ‘‘chez soi’’. Placé. Soutenu par des courants invisibles mais les sens savent. Il n’y a pas assez d’esthétique, parce qu’elle a été récupérée fonctionnellement au profit du seul placement. Dis-moi qui tu es, ce que tu aimes, etc. Réponds et réponds juste, non de Dieu, sinon moi j’vais te l’dire ! Comme les blaireaux de quand j’étais petit. J’ai rêvé d’eux, d’ailleurs cette nuit, je m’en souviens d’un coup. On allait jouer un match de foot et je les retrouvais. Je jouais dans une équipe grenobloise, ou peut-être du campus. Pas particulièrement content de les revoir, mais quand même un côté esthétique, heimatien. Semblant d’être gentil et voilà qu’ils m’insultent. Je ne pense pas que je jouais. Même pas vu le match, traînais dans les rues du village, avec je sais pas qui.

On peut prendre les esthétiques qui nous sont données, mais le mieux est d’occuper une fonction, des fonctions, économiques, familiales et autres qui aillent de paire avec cette esthétique de contrôle. Parfaitement adapté à mon environnement, ça ne me serait pas dur. Ceux qui veulent changer le monde, ce serait mieux qu’ils soient dans le monde, mais il faut être en dehors pour le changer, sinon on ne fait que pousser un peu plus loin la logique. Lasse Braun n’est qu’un piètre représentant de sa génération.

Si on veut pas être capturé, il faut se capturer soi-même. Par exemple écrire des textes sur nous-mêmes qui collent à nous de très près. Souvent, quand on écrit un texte, surtout sur nous-mêmes, il est tellement éloigné de la ‘‘réalité’’ qu’on peut largement respirer, il y a de la place entre nous et l’horizon que nous regardons. Mais d’aucuns myopes parviennent à écrire des textes, qui annulent, par leur ‘‘vérité’’, cette distance. Ce sont des textes auxquels il n’y a rien à ajouter, rien à enlever. Desquels il n’y a rien à dire. Ils s’imposent, en amenant une espèce d’évidence immensément réductrice, et nous finissons par soupçonner l’écriteur d’avoir tenté et réussi de s’être mis en cage lui-même pour ne pas pouvoir l’être par d’autres, n’importe qui d’autre. Echappé, on aurait pu le saisir, n’importe qui aurait eu une prise, la force alors du bonhomme étant de glisser de tous les doigts. Là non, il est là, là et nulle part ailleurs, gentil petit garçon comme il dit. Mais on n’a aucune prise sur lui. Aucun dialogue possible non plus. Il se construit, il s’est construit sa cage comme il s’est construit son temple. Parfait, rien à dire. Rien à dire ou tout à détruire. Tout détruire par un sentiment de rage, par exemple. Mais on imagine, sûrement à tort, on imagine un regard doux mais sourd revenu d’entre les morts disant qu’il n’y a rien d’autre, il ne faut pas chercher. Tant il s’impose, même regard de jeune fille comme celui de cette petite joueuse de couteaux. Même son tombeau, c’est lui qui l’a élevé. On aimerait que ce soit très sage mais en fait c’est très triste. Alors on tourne autour, parce que tout ne peut pas être terminé, ce n’est pas possible. Il n’y a pas à chercher la faille. Il y en a mais ce n’est pas le problème. Ce n’est peut-être qu’un vieux réflexe humain que d’enterrer les morts. Elever une stèle. Certains errent et on les laisse faire parce que cela, au fond, nous fait plaisir. Mais d’autres, comme lui, n’errent pas, ils sont bien morts.

Toute esthétique, capturant, vaut comme un tombeau. Ce n’est pas du tout le confort de notre mort que nous trouvons en elle, le confort d’être fini, mais celui de la mort, de la finitude, qui vaut comme un nouveau départ. C’est toujours la mort qui berce, bienveillante. « Être-pour-la-mort », « dernier homme ». A l’opposé ne se trouve pas la consumation, comète toute entière faite pour la fin, elle aussi, mais « l’éternel retour ». Et la surprise, le saut, la danse. Complexité grandissante, matrice ou cosmos merveilleux. Toute la question du dehors et du dedans — toute la (non-)question du dépassement de cette question.

On se laisse aller aux environnements, malgré soi, et puis aux contingences quotidiennes, avec notre complicité, alors forcément, le repli sur soi, quand on le trouve encore, semble inévitable. Comme une unique planche de salut.

Le monde est laid.

samedi, novembre 18, 2006

By this river, Brian Eno

(traduction personnelle en français)


Nous sommes ici,

Fidèles à cette rivière

Toi et moi

Sous le ciel qui n’arrête jamais de tomber

Tom… ber…

Jamais de tomber

Tout le jour

Comme sur un océan

Attendre ici

Séchant à nous rappeler pourquoi nous sommes là

Là… là…

Pourquoi nous sommes là

Tu me parles

Comme si tu étais loin

Et je réponds

Avec les impressions choisies d’un autre temps

Temps… Temps…

Traces d’un autre temps

jeudi, novembre 16, 2006

Bourré, ordinateur allumé, rien de mieux à faire que tappe les touches

Je n’ai rien de spécial à marquer, mais j’ai allumé l’ordinateur. Déjà, c’est dur de taper les bonnes touches, je me trompe tout le temps, comme je suis un peu, beaucoup, bourré. Je pense à quelque chose que je pourrais dire et rien ne me vient à l’esprit, rien qui ne se formule assez facilement en mots.. Rien, sinon ceci : je crois comprendre, Fred, ce que tu appelles par « interaction ».

Se laisser aller aux interactions, vouloir et aimer les interactions. C’est bien la grammaire des interactions de notre cher Goffman, mais il n’est pas question, enfin pas tout à fait, disons que ça se déporte ailleurs, de prescience des interactions, et donc de jeu sans risque, de jeu cynique. C’est juste faire aller les interactions et être à leur écoute, les guidant, ou croyant les guider, mais sans aucune prescience. Ce n’est peut-être pas qu’on ne pourrait pré-savoir ce qui va arriver, c’est qu’on se place au sein de l’interaction, une place à partir de laquelle on ne sait pas trop ce qui va arriver, même si, en fait, ce qui va arriver se détermine au sein nombre des possibles extrêmement réduit et la confiance est trouvée dans ce savoir du non-danger (mais s’il y avait danger, on le saurait, et la confiance serait trouvée dans ce savoir). On ne sait pas ce qui va arriver, mais on le sait quand même. On laisse aller, mais (ou car) on sait en gros où ça va atterrir. Quand tu me parles d’interactions, c’est en tant qu’acteur, ça va de soi. D’où que ce qui est fondamental, c’est moins ce savoir de l’interaction, que le plaisir pris à l’interaction, le plaisir à entrer dans l’interaction, à se laisser aller avec elle. Du coup, là où l’on croyait voir du cynisme, on ne voit pas de la naïveté, mais une ‘‘bonne volonté’’, c'est-à-dire c’est la « naïveté » qui se renverse en quelque chose de positif, et l’interaction, chose purement formelle, prend de l’épaisseur. Autrement dit, peu importe le résultat, c’est le procès qui importe. Le moment que l’on passe, ce que nous dit l’autre, etc. C’est aussi là où la notion d’information prend de l’importance et se dégage de tout cynisme. Dans ces moments-là, on voit les autres effectivement comme des égaux, et non comme des gens engagés dans des processus dont on connaît déjà plus ou moins (mais ce plus ou moins n’a aucune importance) le déroulement et la fin. Faire partie de ce déroulement, peut-être mène à subir cette fin comme tout à fait contingente alors qu’elle était parfaitement déterminée, mais en tous les cas nous fait faire partie d’une communauté dynamique, qui ignore a priori sa fin, qui se préoccupe de son déroulement plus que de sa fin, celle-ci apparaissant comme liée à celui-ci, et donc seulement indirectement à nous-mêmes.

La fin. Ça c’est un truc caractéristique chez les cyniques et autres critiques. On connaît déjà la fin. Les gens auxquels les critiques et leurs ennemis cyniques s’opposent ne connaissent pas la fin, et, s’il leur arrive de se poser la question, ne s’en préoccupent pas beaucoup. Les uns méprisent les autres parce que ceux-ci méconnaissent, « font semblent » ou « exprès » de ne pas la connaître, alors qu’elle est connaissable, la fin, et les autres sont indifférents aux uns parce que ceux-ci méconnaissent le déroulement, et ne lui accordent aucune importance alors que lui seul importe. Dans les termes de vie et de mort, on pourrait dire que pour les uns seule la fin importe, et que pour les autres seul ce qui s’est déroulé entre la naissance et la mort importe. Ceux-là semblent humains, pour ne pas dire « humanistes », alors que ceux-là voient dans cet « humain » une abominable obéissance, soumission, aux déterminismes qui de tout temps ont soumis les humains.

C’est pour cela que c’est ‘‘marrant’’ que tu me parles sans cesse d’interaction. Parce que c’est moins qui suis censé connaître Goffman. Parce que ça pose la question de l’utilité de Goffman ‘‘pour la vie’’. Goffman et d’autres, les plus anciens (Durkheim notamment) en premier. Parce que tu sous-entends que nous sommes, « évidemment », des acteurs sociaux. Point de vue qui méprise, ou est indifférent à leur égard, les non-acteurs, les observateurs, tout en intégrant leur rôle, c’est ce qui intéressant, d’une manière certaine. En sociologie, Dubet et Martuccelli ont parlé de « désinstitutionalisation », manière, je crois, de rendre palpable, par « lapsus » (je ne sais pas dire autrement, désolé), le fait que l’on se sent plus proche de nos contemporains, et concrètement des gens que l’on connaît, que des anciens et de ceux que l’on ne connaît pas, et que, en lisant Durkheim, on imagine aisément que ce qu’il dit s’applique sans doute à ses contemporains, mais que, tout de même, les nôtres sont différents. Il n’en est rien, bien évidemment, c’est juste la place que le sociologue se donne et le regard qu’il porte, qui changent. Dubet et Martuccelli disent que l’expérience propre à chacun importe sur toutes autres choses, mais c’est qu’ils en font partie, et intègrent leur propre expérience dans leur dire, et aussi ne font pas de différence entre leur expérience et celle de leurs contemporains, quand Durkheim, peut-être, s’extrayait de fait des observations (ou des imaginations ?) qu’il pouvait faire. Bref, pour une pointe de raccourci : on reconnaît bien des sociologues cools, conviviaux, de l’ère Jospin.

C’est dingue, j’ai quand même mieux à faire qu’écrire ces lignes, non ? Dormir, par exemple. N’empêche que ça me ‘‘traumatise’’, ça. Il ne s’agit pas d’être au-dessus du social, mais en dehors. On imagine le reproche qui peut être fait, à commencer par celui de ne rien comprendre, mais en même temps, si personne n’est en dehors, qui mettra le doigt sur les déterminismes que les acteurs, engagés, ne voient pas ? Même si, encore, ces acteurs revendiqueront le savoir de ce qui les détermine, pour autant que ne pas être compris, rester en deçà de la finalité, du tout, soit une nécessité pour les acteurs, car c’est ce qui donne du goût au jeu, c’est ce qui institue le ‘‘monde de la vie’’. De la même manière qu’à l’adolescent acharné à dévoiler les fins, les adultes répondent : mais on s’en fout, let it be. Et si rien, en effet, ne vient remettre « it » en cause, aucune extériorité, on se demande bien pourquoi ne pas laisser aller, et se laisser aller, aux « dispositifs », comme disait l’autre, qui constituent le ‘‘monde de la vie’’. Ce n’est pas exactement l’idée d’un danger qui motive le chercheur, parce que là-dessus, celui-ci et les acteurs ne seraient pas d’accord (pour ceux-là, il est question de préservation, pour celui-ci déjà question de remise en cause, ce qui ne peut advenir que dans un second temps pour ceux-là), mais c’est plus généralement l’idée d’une extériorité déjà existante, ne serait-ce que théoriquement. Ce qui, soit dit en passant, s’agence très bien avec l’idée romantique de recherche d’un ailleurs.

mercredi, novembre 15, 2006

J'aime pas la sociologie

Sociologue, c’est le pire. Ou presque. Parler d’autre chose. Pas de toi, non, pas de toi. Toi tu n’existe pas. Ça, toi, c’est à reléguer dans les questions. C’est bien, ça, de poser des questions, mettre des points d’interrogation, soulever des débats. C’est bien parce que l’avantage c’est de ne rien changer. Les journalistes le savent, c’est l’une de leurs méthodes favorites. C’est pas que ça déplace le regard dans l’abstrait ou dans le possible futur et ainsi ne convie pas à regarder ce qu’on a sous les yeux. Ça c’est la vieille méthode. Maintenant, la technique se purifie, se purifie de tout réel on dirait. Il s’agit juste de poser les questions, tout le monde a enregistré que le réel, qu’il existe ou pas, en tous les cas on s’en fout. C’est juste un travail, c’est juste pour parler. Le réel n’existe que si on le postule dès la base, ou que si on y tend comme but. C’est pour ça qu’en ne faisant que réfléchir, ou qu’un travail, que parler, on ne voit pas pourquoi on le présupposerait, ou pourquoi on y tendrait, car on tend déjà vers quelque chose, quelque chose d’autre, condition il est vrai pour remettre en cause tous les présupposés, pour envisager de ne se poser sur rien. Pour rester dans le langage. Un « double » parfait, en pensant à Rosset.

Voilà : t’es en face d’un réel et tu dois en parler. C’est un peu Gaëlle qui me disait : tu vois la montagne, là ? et bien dessine-la, dessine ce que tu vois. Hein ? Et puis aussi, ça là je ne le savais pas, forcément, je ne connaissais rien à l’art : tu es au sein de quelque chose, là, alors dessine ce que tu vois de là. Techniquement, c’est simple, les peintres modernes l’ont bien compris quand ils étaient à l’Académie (voyez les premiers Matisse, quand il était encore à l’école : de ‘‘magnifiques’’ natures mortes, très très ressemblantes). C’est bien ça, du coup je peux faire le même boulot que mon père : plombier. Puisqu’il s’agit juste de raccorder deux choses. Seulement il faut le vouloir. Disons : il faut avoir confiance, ou pas d’amour-propre, ou avoir foi en sa position excentrée, tierce, que c’est juste un travail, que c’est juste faire preuve de technique et que ce n’est pas moi du tout, mais un double de moi. Où je suis, quel est mon regard, dans quoi est-ce que je me protège ? Cela, moi seul peut y répondre. A moins, bien sûr, de faire corps avec ce que l’on dit, comme les vieux dans les repas de famille quand on aborde les sujets politiques : faire partie de l’institution, la représenter, l’incarner même. Même en construire une nouvelle, c’est un peu pareil encore.

Bref : où est mon chemin ? où suis-je — c'est-à-dire : où est je, où je suis moi — ?

Trace ta route.

(Des oiseaux morts dans la tête.)

C'est quand tout peut commencer que tout, déjà, s'achève

C’est quand tout peut commencer, enfin, que tout déjà s’achève. C’est le secret de l’inachevé, de l’aphorisme, de ce genre de choses : avoir toujours un train d’avance, ou rester sans cesse dans une grande distance, ou encore sillonner les grands et les petits chemins sans être happé par rien. Ce n’est pas un manque de précision, quelque chose de nécessairement vague qui finalement ne dit rien, car c’est le ‘‘chemin’’ qui parle et qui fait sens, c’est la totalité des pointillés qui fait le tableau. De sorte que chaque petit bout est moins relié à ce qui le capture (par exemple ce dont ça parle) qu’aux autres petits bouts (et que pour avoir un éclairage à peu près potable sur les différentes choses qui capturent, il faut convier la totalité non fragmentée, mais également fatalement non constituée). Manière de rester un à travers les géants qui attrapent, rejettent, bousculent, triturent, etc., le petit bonhomme qui aurait vite de s’écrouler à terre, en deçà de toute action des géants, des éléments extérieurs, ou de se laisser aller pantin, ne faisant qu’enregistrer servile les circuits par lesquels les géants le font passer.

C’est quand tout peut commencer, enfin, que tout déjà s’achève. L’aphoriste suit un chemin qui n’existe pas, sans jamais cesser de savoir qu’il suit un chemin, et en croyant qu’il n’en suit pas. Il y a une inadéquation salvatrice entre ce qu’il sait et ce qu’il croit, un peu comme l’artiste du plus haut degré chez Plotin, qui ne sait pas dessiner une écume, mais qui jetant son éponge dans un geste de rage obtient ce qu’il désirait. Il est le centre de sa vie, cela ne fait pas de doute, mais c’est pour cette raison qu’il peut mettre toutes les autres choses au centre de son œuvre, bien qu’à travers lui. Il ne commence jamais rien, car le temps de s’en rendre compte, de pouvoir dit « c’est commencé », il est déjà ailleurs. On ne peut le fixer dans ses manifestations, du point de vue des autres. Il garde suffisamment de liberté de mouvement pour se les permettre tous. « C’est commencé », « tout peut commencer » : ça y est, t’es là, et cela devient condition première de tout ce qui s’ensuit. L’aphoriste étouffe. Tout est déjà achevé, parce que tout est marqué dans ce là où il est. Alors, à quoi bon travailler, demande-t-il ? Ce qui va venir, on le devine : quel intérêt de le faire venir ?

C’est quand tout peut commencer, enfin, que tout déjà s’achève. Il n’a pas de maison, sinon celle imaginaire qu’il porte sur son dos. Mais on lui en fournit une : dorénavant tu habiteras là. Il le connaît, ce là, des années qu’il passe devant, qu’il y reste ses journées. Il l’aimait bien, mais c’est parce qu’il ne faisait que passer. Il venait d’ailleurs, allait ailleurs. On a gommé son origine, on efface toute fuite possible : ce là où est il est, est subitement plus lourd que lui, il a plus de pesanteur, plus de réalité, en un mot il compte plus. L’importance se déporte, et avec elle l’ordre du monde. Du moins pour lui (mais seul cela compte, non ?). Comme les autres, sédentaire, identifié, rattaché maternel à ce qui dit le nourrir, à ce qui tient son existence. Si encore il la désirait, cette chose, il pourrait développer une névrose constructive, mais pas même. Il ne se fait pas à l’endroit, des bouts de son corps dépassent de partout, il doit tout replier et ça lui fait mal, il ne se fait pas à ce pli, ce n’est pas lui. Mais ce qui est, voit-il, c’est là où il est. Alors il se conforme, bien docile. Si encore il était trop petit et devait déplier ses membres dans tous les sens pour atteindre les bords, pour jouer avec le dispositif, mais même pas. Les grands espaces, c’est tout ce qu’il connaît. Il ne respire pas mal, là : il ne peut plus respirer, et doit pour y parvenir accorder son souffle à celui de la machine. Avec pour toute satisfaction de la représenter parfait, de bénéficier un peu de la lumière qu’elle diffuse alentour, du poids qui est le sien. Vidé, aliéné, démembré, pour tout espoir une belle tombe pour ce plateau d’oiseaux morts.

Dépossédé

Je me sens dépossédé. Dépossédé… étrange.

Comme si j’étais au centre de quelque chose dans quoi je ne suis pas au centre.

Ce qu’on appelle la normalité, c’est être porté par quelque chose, que ça nous possède tout en s’arrêtant à notre peau, plus loin c’est nous-mêmes qui faisons le boulot. Dépossédé, il n’y a plus rien dedans, je ne peux faire aucun boulot. Et puis ça ne me porte pas. Ça me traîne, un peu, c’est tout.

Et être possédé, c’est quand ce qui nous porte ce substitue à nous-mêmes, prend la place de ce qui, normalement, contrôle (contrôle mon corps et tout ce qui va avec). Ce qui peut d’ailleurs être une stratégie pour ceci afin de se désengager.

Nous vivons au rythme des dispositifs que nous traversons, disait Belin. On encore au rythme des captures : possessions, dépossessions, repossessions… Comme ces danses de vieux dans lesquelles on tourne et passe de cavalière à cavalière. Nous seulement dans l’effervescence d’un groupe, ce qu’a inventé le 20e siècle si l’on en croit Badiou, ou alors tous seuls dans un dispositif vraiment totalitaire, vraiment démocratique, comme dans la techno. Pluralité des captures et les captures elles-mêmes, ou répétition de la Capture mon moi face à elle(s).

Où me placer moi, où être, qui être ? Ce qui contrôle dans mon corps, ou autre chose encore, ceci n’étant que l’un des instances du décor ?

Laing disait que la folie est tout à fait rationnelle, qu’elle est un ‘‘choix existentiel’’ vers ce qui fait le moins souffrir (si l’on tient compte d’un relativisme à cet endroit-là ; parce qu’on ne sait pas le dire autrement et que la souffrance et tellement codée, déjà interprétée).

dimanche, novembre 12, 2006

Pas aimable, mauvais blog

Je suis vraiment désolé, c’est un mauvais blog. Pas d’univers à moi tout seul, pas de monde vu de mon point de vue, pas de souffrance dont se repaître, ne serait-ce que par compassion. Je ne suis pas aimable, en plus, ou plutôt donc, alors…

Ça me demanderait peut-être trop d’essayer de jouer le jeu. Le jeu du gars coupé du monde, tout entier dans son petit moi, souffrant de cette séparation. Mais pas éclaté pour autant, sans aucune fun extraversion, histoire de passer d’un pôle à l’autre de la même chose, le chemin le plus court et puis le plus facile, comme on dirait ouvert/fermé.

C’est ainsi très mal parti pour être populaire, pas près d’atteindre les 17000 pages vues au mois… Tant mieux, donc.

En plus j’ai rarement grand-chose à raconter, alors comme ça…

Et puis je n’ai jamais vu une seule photo où un Bernard l’Hermite n’était pas à moitié hors de sa coquille (quand il n’y a pas la coquille toute seule où lui échappé d’une ancienne coquille, mais alors il n’y a pas de photos).

samedi, novembre 11, 2006

Petit matin

mardi, novembre 07, 2006

Apprendre à ne rien faire

Tu travailles trop. Tu travailles beaucoup trop. Quand tu travailles pas, si par hasard tu ne dors pas, tu joues aux Sims. Encore du travail.
Moi c’est pareil. Faut pas le dire, c’est pas valorisé, hein, c’est pas rémunéré, on n’a pas le droit de dire que c’est un vrai tripalium. Quand je ne dors pas, je suis sur l’ordinateur. Entre textes pour le mémoire, textes pour moi, textes pour le blog et jeux vidéo, ça prend la plupart de mon temps. Aujourd’hui un moment pour manger, c’est encore du travail. Un petit moment avec toi, un petit moment à lire (pour le mémoire), c’est encore là où j’ai fait le moins.
Apprendre à ne rien faire, comme tu disais. C’est pas gagné. La plupart des gens travaillent toute leur vie, tout le temps. Quand ils ne travaillent pas, quand leur corps n’est pas réquisitionné à quelque tâche, on appelle généralement ça la jouissance. Mais cela peut aussi prendre la forme d’un concert, d’un match de football, d’une bière ou d’une lecture. Les gens croient alors dépenser leur corps selon leur bon vouloir. Et c’est ça qui importe, parce que franchement, c’est pas selon l’activité qu’on peut le percevoir. C’est pourquoi le masochisme au travail est difficilement perceptible, difficile à remettre en cause.
Apprendre à ne rien faire. Tu disais. L’emploi du temps de la plupart des gens n’a pas de trous. Je passe souvent beaucoup de temps sur internet. Je ne sais pas ce que j’ai fait, impossible de reconstituer la chronologie, de savoir où est passé le temps. Mais je sais que je n’ai pas rien fait pendant longtemps. Pour qu’il n’y ait pas de trous dans un emploi du temps, pas la peine de découper le temps, ça c’est la vieille méthode. Il suffit d’isoler des activités, de préférence de ne pas les mélanger, et de passer de l’une à l’autre. Celui qui ne veut pas avoir de trous dans son emploi sera perturbé parfois par le temps et par les lieux de passage d’une activité à une autre. Ce sont des lieux étranges. Un arrêt de tram, par exemple. Et même le tram, s’ils ne le perçoivent pas comme une activité. Une activité, c’est un dispositif technique auquel on se prend au jeu. Il faut bien comprendre la technique pour bien faire, pour qu’il n’y ait pas de trous. Celui qui a bien l’habitude de remplir son emploi du temps voit le monde comme un ensemble de dispositifs. Il n’y a pas de trous dans le monde, et c’est pour ça qu’il n’y en a pas dans son emploi du temps.
Apprendre à ne rien faire, tu disais. On considère tellement les autres comme des choses qu’on finit par croire qu’ils sont aussi des dispositifs techniques. Pas besoin d’aller dans une boîte à partouzes. Ne rien faire pour nous, c’est l’ennui et ces temps d’attente entre deux activités, arrêt de tram ou salle d’attente du médecin, des lieux comme ça. Ou les activités volontaires, mais toutes les activités finissent par l’être, on ne voit plus trop la différence.
On peut ne rien faire partout, ce n’est pas là le problème. Je ne fais rien quand je me laisse aller à la rêverie. Quand Max s’installe dans un fauteuil et fume un cigare, c’était son truc. C’est la qualité d’une présence. Enfin, présence… On comprend bien pourquoi les autres sont toujours réduits à des choses. C’est parce qu’on n’arrête pas de faire, avec eux. Tout ce que l’on se dit est toujours dit trop fort, et puis il n’y en a qu’un qui le dit, l’autre écoute, opposition et capture. Les autres sont des choses parce que l’on ne se laisse pas aller à la rêverie, avec eux. Parce qu’il faut être là. On besoin on nous le fera comprendre, s’ils ont des doutes. S’ils n’en ont pas, là c’est l’attaque de suite, la pique, la moquerie, qui vise à nous réveiller, et si l’on reste dans notre rêverie c’est clairement leur dire qu’on se moque d’eux, qu’on est indifférent, qu’on les méprise. Et puis à la fin chacun part de son côté. A ses petites affaires.
Alors on rêve de longs moments à ne rien faire. A rien faire qu’à rêvasser. A deux, à pleins. On rêve de ses veillées d’antan, on rêve de ces salons où il y a bien plus de monde que de gens pouvant parler. On rêve que l’on est l’une de ces personnes qui ne parlent pas. Attention, nous disons-nous, si je ne parle pas c’est que je ne suis pas le centre de l’attention, c’est que je ne suis pas, moi-même, et pas pour les autres ou pour la situation, au centre de ce qui se passe, au centre de l’activité. Si je ne parle pas, c’est que je ne suis pas dans l’activité. D’ailleurs, quand je ne parle pas, j’écoute activement ce qui se dit, et je cherche activement ce que je pourrais dire. Je suis là. Tout hors de moi. Bien moi. Celui qui se laisse aller à la rêverie, Michaux dit le paresseux, il dit aussi qu’il nage. Il est tout en lui-même, un peu cotonneux vis-à-vis de l’extérieur, un peu absent. Mais absent à lui-même aussi.
Je sais pourquoi mon emploi du temps n’a pas de trous. C’est pas ma faute, c’est juste qu’il n’y a dehors que des dispositifs techniques. Même si c’est moi qui le vois ainsi. Quand je suis fatigué je dors, et puis des fois je ne suis pas content parce que je n’arrive pas à dormir. Je suis trop présent à moi-même. Ça m’arrive d’essayer de ne rien faire. Mais je n’y arrive pas. L’espace me réquisitionne, je ne sais pas comment dire cela. Ce sont les objets, et même les murs, qui m’ordonnent de faire quelque chose. Ils me rejettent, on dirait. Et dès que je trouve quelque chose, cette chose elle me met au travail. Même mon lit, au fond. Un lit, c’est fait pour dormir. C’est fait pour. C’est peut-être que tout ça c’est fait et que j’obéis à ce faire. Moi je veux bien ne rien faire, mais comme ça, là, tout de suite, je ne peux pas. J’ai pas confiance, ou je ne sais pas. Il me faut quelque chose de positif. Ne rien faire, ça va pas. Pas du tout. Je ne comprends rien. Quand je fais rien, je fais encore. Ça va pas du tout. Il me faudrait peut-être des choses pas faites du tout, ou faites pour rien. Ou ne pas obéir au faire d’une chose, mais je crois que ça c’est surtout rêvasser à la chose, même selon son faire, comme imaginer les tribulations d’une valise en voyage plutôt que celles d’un chapeau en voyage, sans obéir au faire pour lequel elle est faite, sans activité. Ou peut-être que pisser dans une valise c’est ne rien faire du tout, allez savoir.
C’est bizarre. Je fais toute la journée, je suis moi constamment, moi moi moi, toujours là. Et puis c’est quand je me mets à rêvasser, vaguement absent à moi-même, nageant dans des eaux pas très claires, que j’ai vraiment le sentiment d’être moi. Je suis bien. Je n’ai pas le sentiment d’être moi du tout, c’est après que je me dis mince alors, c’était quand même bien. Il en faut de la confiance pour se laisser aller. Je crois qui j’y arrive quand je ne me sens pas appelé. Quand il n’y a pas quelqu’un qui pose ses yeux sur moi et semble me demander quelque chose, quand même les murs ne me mettent pas au travail. Que je suis oublié, mais avec les choses qui m’entourent quand même. Comme si elles me tenaient chaud, d’un coup. C’est pas courant. Des choses qui vivent leur vie, ou qui sont tout à fait inertes, mais là quand même. Enfin, là… Elles se reposent.
C’est bête, hein. Les choses, elles ne sont pas vivantes. C’est bête, de croire l’inverse, non ? Pourtant, j’ai constamment cette impression. Je le sais : je le sens. Mais peut-être qu’elles ne font que réagir, les choses, qu’elles font comme moi. Moi, si quelqu’un me regarde, je me redresse, même en moi-même seulement, et je suis là. Elles font peut-être pareil. Peut-être qu’on ne se comprend pas, avec les choses. Elles ne sont peut-être pas si méchantes que ça, finalement. Elles n’y sont peut-être pour rien, elles non plus. Quand je fais une activité ou quand je rêvasse, c’est pareil, je me sens porté, conforté, par un tout. Mon esprit le voit, le sent tout entier, mais ne voit pas au-delà. Que les choses m’appellent ou pas, c’est la différence. Mais ce n’est pas dit. C’est peut-être moi qui commence. Mais quand c’est moi qui commence, c’est que je ne vois pas bien le tout dans lequel je suis, c’est que je n’ai pas confiance. Il faut parfois du temps pour l’apprivoiser. Et lui aussi.

dimanche, novembre 05, 2006

Enfin

Vivement qu’une nouvelle semaine commence. Retrouver ma pauvre chambre et mes prises de tête, sans connexion aucune.

Pas de nouvelle du week-end. Enfin, du dimanche. J’imagine que ça va pour le mieux.

Non, je n’ai rien fait. On s’en doute. Découvert quelques sites, puis c’est tout. Mis en ligne quelques fichiers. Fait joujou avequeux ch’temeleux.

Samedi soir

On est samedi soir, il est vingt-trois heures, et je ne suis pas bourré. Pas même dans un bar, rien. Rien du tout. Pas de sortie, rien. Loin le temps du lycée. Ou presque. Connais pas grand-chose et impression d’aller un peu vite. Peut-être pas. Pas de sortie, rien. Rien du tout. Alors c’est formidable. For-mi-da-ble. De rien faire. « Qu’est-ce t’as fait ? — ‘Of. Rien. — Ah… et… à part ça ?... » Rien du tout. Formidable. Je veux dire : forcément. Me manque pas, attention. Non, pas du tout. Etre quelque part quand on sait pas où être, c’est pas mal, c’est toujours ça, on y était. Etre nulle part c’est pas mal non plus. Il n’y avait rien. « Putain ça craint. » Vaut mieux être à Paris. A Paris. C’est sûr. Déjà le temps du métro ça occupe la soirée. Ou alors trop fait on en est épuisé. Et il y a telllllment de choses à faire à Paris. C’est sûr. On peut pas dire qu’on était nulle part. Toujours un quelque part. Même à entrer n’importe où. Comme ça dire qu’on a choisit. Comme ça est le héros de notre histoire. Sûr. Désir badaud dans les rues les commerces. Choix à hauteur des sous. Mais les gens des villes sont riches, c’est bien connu.

Ça me manque pas. Alcool à domicile, familiale triangulation rhumesque. Et le citron. Triangle aussi. Le tout sucré, bien sucré. Ça me dérange pas. Si promesse. Forcément. For-mi-da-ble. Etre nulle part, c’est déjà être ailleurs, non ? Etre ici, ça non. Trop déjà, et à chaque fois. Ça ne rate pas. Parole de Sandro (mais l’autre, merde, l’autre, quand ?). Les heures passent et incapable de dire ce que j’ai fait. Même effort de mémoire, impossible. Chronologie absente. Fascination dernier degré. Désert total, rien ne manque. Trouver des évènements. Un évènement, vite vite. Merde, qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter. Une production culturelle, au moins, non ?

C’est qui, « moi » ? Un Ivan-Pierre quelconque. J’imagine. Qu’elle sait. Ah non. C’est vrai. C’est une fille. Pauvre petite. Toute plaintu. C’est tout triste. Elle triste, moi triste. Con. Pour que des avantages, en plus. Ils lui offrent la possibilité unique de vivre une vie intéressante, et elle se plaint. Non mais voyons ! De saisir sa vie. De vouloir. A construire. On fait jouer les enfants avec des bouts de bois standards pour bâtir des châlets suisses, mais plus tard le modèle est fourni. Innovation zéro, vie de merde. Satisfaction institutionnelle. Ou de l’argent. Il le disait bien Paul : « leur vie c’est de la cendre. » Ou quelque chose comme ça. Pour eux-mêmes !! Ah elle est belle la façade. On est tout ébloui et pis un r’gard et pis on n’en veut plus. C’est pas toi, ça, non c’est pas toi. Ils t’ont faite souffrir, et continuent encore : quelle chance ! C’est pas tout le monde qu’a cette chance. C’est sûr. C’est for-mi-da-ble. Il le disait Pierrot, que j’aime pas trop mais quand même, le Pierrot : « pour changer les choses il faut de la violence ». De la violence pour éveiller. De la violence pour transformer. « Faut souffrir pour être belle » : tu parles d’une connerie. Ou plutôt perversion. Comme on dirait : faut souffrir pour devenir BHL, faut souffrir pour construire des Bouygues pareilles toutes maisons, faut souffrir pour s’appeler Onfray ou Bernard Lahire. Souffrir pour aller contre le cours des choses, mais quelles choses ? Si c’est pour passer dans un autre cours c’est pas la peine. La prostituée souffre pour être achetée puis symbolise l’échange même. Perversion, ironie du changement. Tu vaux plus, tu sais, tu vaux plus. J’ai pas les mots faciles, faut pas croire. Et compliments j’en parle pas. Brosser le sens dans le poil très peu, merci. ‘Tite bourgeoise. Wannabe la bourgeoise, ouais. Ressembler à des pogroms d’insignifiance, non mais franchement. Suicide collectif par répétition du même, génocide même pour dire, et dans l’indifférence. Si leur étoile brillait ils seraient pas obligés constamment d’allumer la lumière. Ils ne peuvent rien pour toi : tant mieux ! Des pommades infinies pour quoi pour endormir la plaie ? Calle toi bien, ou autres. Les nourritures terrestres et artefacts géniaux. C’est ignoble de jouir de sa position, pouvoir du bien loti, fait bien de s’en repaître avant de disparaître. Corps et âme, et rien derrière. Ne t’oublie pas, ne t’oublie pas. Ne t’oublie pas. Tu n’as que toi. Cherche tes alliés, cherche tes nourritures bien-aimées, habite, le monde, habite. Ils veulent tous ta souffrance, ils se repaissent de souffrance. Le souffrant est une place de choix parmi les gens petits. Vis toi. Attrape-toi. Comme le baron. Et le cheval avec. Comme les chiens, définir territoire. Quotidien merveilleux, c’est déjà un début. Triangulée, quadrangulée symboles, signes et les interprétations, la magicienne le processus retourne, renverse l’inversion, et capture à son tour. Et c’est quand tout va bien que ça va le plus mal. On dirait. Bourgeoise, insignifiante mondaine, je te déteste encore. Ne cherche pas dans cette voie, elle te va vraiment pas.

Tout le monde est couché. Pas un bruit. Une énième cigarette. Désolé, mais quand il n’y a rien c’est fatal. Toujours pas de réponse, et pas de connexion non plus. Pas là peut-être. Personne n’est là le samedi soir. A partir de demain je m’y mets, à mon histoire. Ou lundi. Mais j’ai peur. Je commence les questions et ça défile, hors balises ça défile, ou délire des balises. Je me laisse aller, en tous cas. Mais c’est pas comme ça que ça marche, c’est pas comme ça qu’ils font, les autres. Les autres ils ont compris comment untel marche et ils refont pareil, promenons-nous dans les pas. Van Gogh et Gauguin, ils ont commencé par les couleurs ternes, parce qu’ils se sentaient pas capables. Beaucoup de travail et de temps avant de passer à la couleur. Beaucoup. Et alors quelle splendeur. La philosophie c’est pareil. Qu’il dit, le Gillou. J’y peux rien si on nous demande de nous y coller de suite. On a pas le droit le terne, c’est direct en couleurs. Pâles couleurs et harmonie à chier, peut-être, mais en couleurs quand même. « Et si j’en vois un en train de commenter, attention à lui ! C’est pan-pan cul-cul et au coin ! Compris ? Alors au boulot ! — Oui mais !... — Y’A PAS DE MAIS !!! ». Et là c’est le chef, dans Akira, tout énervé, avec un merveilleux exemple de cette bouche rectangle manga que j’avais décalquée. Parce que la perspective. La perspective de l’ordre très peu. Tiens lapsus, autre pour ordre. A creuser. Tous ces gens avec des araignées dans le plafond. Si les sociologues étaient autre chose que des essayistes ça se saurait. Je prends ce dont j’ai besoin. Parce que ça colle. Alors mes questions. Mes questions. Mes, questions. Demain peut-être.

Il est une heure du matin et je n’ai pas fait plus que le reste de la journée. Mais là il y a une trace ailleurs que fichier historique, direz. Ce n’est pas la trace qui compte.

C’est les traces de la trace.

(Oui, d’accord, je vais me coucher.)

jeudi, novembre 02, 2006

Dégoûté

Reviens d’une sympathique petite journée et j’allais écrire quelques posts, mais mon statut msn était resté ouvert et j’avais quelques lignes écrites, juste quelques minutes avant. La suite a été très pathétique, au point que j’en ai fait un post. Ça m’a pour l’instant coupé l’appétit des posts envisagés. Je compte sur Deleuze et son abécédaire pour me redonner envie.


Résultat : à 2h20 je t'ai ratée sur l'autre ordi.


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